Toulouse a séduit les investisseurs russes qui ont choisi cette capitale aéronautique pour y implanter Tucana Engineering France. Cette SAS a une vocation mondiale, complétant le rayonnement international de Tucana Engineering USA créée en 2007 à Houston.
Opérationnelle depuis quelques mois, l’entité tricolore a bien pris ses marques, concluant ses premiers contrats à l’étranger. Plusieurs négociations commerciales sont en cours, elles concernent tous les domaines faisant partie du cœur de compétences de cette PME à savoir l’aéronautique, l’automobile, les aménagements aéroportuaires, l’énergie.
PDG de l’entreprise, Galya Brovko étaille le modèle économique, les atouts et les perspectives de croissance de cette société d’ingénierie atypique dans le paysage toulousain.
EMP : Peu de jeunes femmes sont à la présidence d’une société d’ingénierie. Quel est votre parcours ?
Galya Brovko : Ukrainienne d’origine, diplômée en langues avant d’intégrer une école de commerce américaine en management international, je travaille depuis 15 ans à Toulouse dans le secteur aéronautique. Les diverses fonctions occupées chez Spherea (ex-Cassidian Tests & Services), Liebherr Aerospace, Daher…m’ont permis d’acquérir une bonne expérience et vision globale du métier.
EMP : Vous occupez des locaux loin d’être remplis, où sont vos ressources humaines ?
G. B. : Nos ingénieurs études sont localisés à Moscou et à Kiev. Nous envisageons de transférer davantage de compétences sur la capitale ukrainienne, reconnue pour sa forte vocation aéronautique.
Ce mode d’organisation nous permet d’avoir des offres tarifaires compétitives tout en garantissant un très bon niveau de service en termes d’expertise et fiabilité.
Actuellement, nous recrutons des coordinateurs de projets qui feront le lien entre le Design Office et le client final. Nous recherchons des candidats expérimentés, souhaitant s’impliquer à l’international. Nous avons déjà une douzaine de personnes assurant l’intermédiation entre notre BE et notre donneur d’ordres.
Nous visons une cinquantaine de collaborateurs avec ce profil d’ici trois ans.
EMP : Le contexte géopolitique très tendu impacte-t-il les relations affaires ?
G. B. : Si notre holding est détenue par des acteurs russes, ces derniers conservent leur ancrage en Ukraine, décidant même de conforter les effectifs du BE. Ils ont conscience de toutes les nouvelles opportunités d’affaires liées à l’accord de coopération signé entre ce pays et l’Europe. Je pense entre autres aux marchés spatiaux et aéronautiques.
EMP : Airbus fait-il partie de vos clients ?
G. B : Via Spirit Aerosystems, Tucana Ingenieering intervient sur la section 15 (section centrale) de l’A 350. Nous participons à l’ensemble des programmes Airbus. Nous connaissons bien les exigences de ce constructeur mais aussi celles des autres avionneurs pour lesquels nous avons réalisé de nombreux packages. Nous avons une riche culture industrielle confortée par nos origines russes et notre installation aux USA.
EMP : Vous pouvez donc aider les équipementiers français à accéder aux marchés de l’Est ?
G. B. : C’est une de nos missions, nous souhaitons accompagner des entreprises afin qu’elles nouent des relations de coopération en Russie, qu’elles investissent dans ce pays. Plusieurs majors sont déjà présentes, certaines ont apporté leur contribution sur l’avion de chasse Sukhoi.
EMP : Vous mettez le cap sur Toulouse au moment où les BE sont moins sollicités avec la fin des grands programmes Airbus. Cela n’est pas un handicap ?
G. B. : Notre offre est à la fois diversifiée et internationale. Si on raisonne aéronautique, ce secteur recèle encore de bonnes perspectives avec l’A 330 Neo et le futur Beluga. A ce sujet, j’insisterai sur l’expertise de nos ingénieurs qui ont participé au développement des Antonov 124 et 225. Un savoir-faire capitalisable sur le nouvel avion logistique d’Airbus.
Maîtrisant la conception d’aménagements aéroportuaires, nous souhaitons valoriser cette compétence auprès de Lavalin, chargé de la gestion et exploitation de l’aéroport Toulouse Francazal.
Nous encourageons les industriels français à aller chercher des relais de croissance à l’Est et en sens inverse, nous incitons les acteurs russes et ukrainiens à saisir des opportunités d’affaires à l’Ouest, plus précisément en Midi-Pyrénées, place forte aéronautique et spatiale.
Emma BAO
Diffusé le 1-1-2015
Encadré 1
A retenir
-Effectifs de Tucana Engineering : 450 personnes
- Expérience en design sur le fuselage, les ailes, le pylon, les systèmes.
-Références aéronautiques : A 320, A 350, A 380 ; Gulfstream G650, G280 ; Cessna Columbus ; Learjet-85 ; Mitsubishi Regional Jet ; Sukhoi Superjet 100 ; Bombardier C-Series.
Encadré 2
Engagée activement au sein du Gifas
Galya Brovko est arrivée à l’âge de 21 ans en France où elle réside depuis 18 ans. Les compétences acquises au service de grands équipementiers aéronautiques et ses aptitudes en management international ont séduit les investisseurs russes qui n’ont pas hésité à lui confier à 39 ans, la présidence générale de Tukana Engineering France.
Au sein du Gifas, Gayla Brovko occupe depuis 2010 la vice-présidence du groupe de travail Russie. L’occasion d’aider les industriels français à se développer dans les pays de l’Est en leur apportant du conseil, des outils et moyens pour capter ces marchés complexes, s’adapter à leurs contraintes.
Sur son temps de loisirs, elle affectionne les sports où l’on se sent en mouvement, de la course à pied à la randonnée dans les Pyrénées !