Lundi 11 mars 2024, la Chambre d'Agriculture Occitanie organisait sa session annuelle au sein de l'immeuble du Belvédère, à Toulouse. Sous la présidence de Denis Carretier, cette réunion a abordé des thèmes cruciaux tels que l'eau, la simplification administrative et le soutien aux filières agricoles. Et ce, en présence du président de Chambre d'Agriculture France, Sébastien Windsor.
Pour célébrer le centenaire des Chambres d'agriculture en France, les Chambres d'Agriculture d'Occitanie ont élaboré un projet collaboratif novateur intitulé "La fresque des 100 ans de l'agriculture en Occitanie". (Photo : Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)
La région Occitanie, vaste étendue de 72 724 km², se positionne comme la deuxième plus grande région française. Délimitée par les Pyrénées au sud et le Massif central au nord, elle offre une diversité de paysages allant des plaines aux côtes méditerranéennes à l'est. Ce panorama singulier induit un climat varié, influencé tant par la méditerranée à l'est que par l'altitude.
L'économie régionale se caractérise par une diversité marquée. Bien que l'Occitanie soit la septième région française en termes de PIB par habitant en 2020, avec une infériorité de 17% par rapport à la moyenne nationale, elle se hisse au troisième rang pour la croissance en valeur du PIB sur la période 2015/2020. Par ailleurs, la région se positionne comme la quatrième la plus créatrice de richesses en 2020.
Le secteur agricole, un pilier majeur
Le secteur agricole et agroalimentaire émerge comme un pilier majeur de l'économie régionale. En 2020, ces secteurs, classés deuxièmes pour les exportations, ont contribué de manière significative au chiffre d'affaires régional, générant plus de 165 000 emplois. Les industries agroalimentaires, représentant 21% des effectifs industriels de la région avec près de 9 000 entreprises, confirment leur place de leader.
Dans une conjoncture marquée par la crise sanitaire, une crise géopolitique et une crise au sein même des exploitations, le secteur agricole et agroalimentaire se distingue en maintenant son niveau d'activité commercial pour les exportations et les importations en 2020.
Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, souligne :
"Si cette crise agricole a débuté en Occitanie, ce n'est pas un hasard. Votre région est confrontée de manière significative à toute une série de problématiques telles que le réchauffement climatique, l'irrigation et les défis du bio, qui touchent l'ensemble des agriculteurs. Je prends en compte vos préoccupations sur ces différents sujets. Les mesures prises par l'État vont dans la bonne direction, mais elles ne sont pas suffisantes. Les aides annoncées permettent de répondre à l'urgence, mais nous avons besoin d'une vision plus globale. Nous avons longtemps dirigé en fonction de normes sans réellement avoir de cap défini".
Lors de la session annuelle de la Chambre d'agriculture d'Occitanie, organisée au Belvédère lundi 11 mars 2024, la Chambre d'agriculture a partagé son Agri'scopie 2023 afin de présenter l'état des lieux économiques de la Région. Toutes les données proviennent de Cerfrance Occitanie avec un exercice clos entre le 31 juillet 2021 et le 30 juin 2022.
L'agriculture occitane, un bastion en mutation
Avec plus de 64 000 exploitations agricoles en 2020, l'Occitanie se positionne fièrement en tant que première région agricole française en termes d'effectifs d'exploitations. Toutefois, cette statistique masque une réalité préoccupante : la constante diminution du nombre d'exploitations agricoles dans la région. Alors que la baisse était initialement ralentie entre 2007 et 2012, elle s'accélère, atteignant 1,8% de diminution annuelle entre 2010 et 2020, soit près de 4 exploitations agricoles disparaissant chaque jour.
La densité d'exploitations agricoles en Occitanie reste malgré tout près de deux fois supérieure à la moyenne nationale, avec plus d'une exploitation pour 100 habitants en 2020. Cependant, cette densité diminue plus rapidement que la moyenne nationale (-24% contre -22%), résultat des évolutions démographiques et de l'urbanisation, particulièrement autour de Toulouse, Montpellier et du littoral méditerranéen.
Une productivité relativement faible
Bien que la taille des exploitations ait augmenté, la Surface Agricole Utile (SAU) moyenne reste inférieure de 25% à la moyenne française et progresse moins rapidement. Malgré son poids agricole, l'Occitanie ne représente que 9% de la valeur ajoutée agricole nationale et de l'Excédent Brut d'Exploitation (EBE) tout en comptant 16,5% des exploitations. La productivité des exploitations est relativement faible, entraînant des résultats économiques globalement modestes, avec une dépendance aux aides et des charges conséquentes qui fragilisent l'économie agricole.
Historiquement, le revenu agricole moyen en Occitanie a toujours été en dessous de la moyenne française, oscillant entre 60 et 75% du revenu national. Bien que le Revenu Courant Agricole Imposable (RCAI) en Occitanie soit resté relativement stable depuis 2014, contrastant avec la baisse nationale en 2016 due à l'effondrement des prix des céréales, le retard régional de progression demeure significatif. En période de crise économique, la diversité régionale des filières de productions semble apporter une stabilité relative face à des régions plus spécialisées, masquant toutefois des disparités importantes de revenus entre les filières et les territoires.
Soumise à des événements climatiques extrêmes, l'Occitanie fait face à des années difficiles, accentuées par les contraintes économiques des zones à handicap naturel, représentant 85% du territoire. Ces zones défavorisées, réparties en Zones de Montagne et Zones Défavorisées Simples, concernent 75% des exploitations recensées en 2020.
La région affiche une grande diversité de productions agricoles, résultant des variabilités paysagères et climatiques. Les évolutions récentes indiquent des mutations dans le profil des productions régionales, avec des ajustements dans les effectifs des élevages ovins viande et apicoles ainsi que des exploitations en grandes cultures, maraîchage et horticulture, contrairement aux systèmes plus emblématiques comme la viticulture, les grandes cultures, et les élevages bovins et ovins lait. La crise économique de 2020 a exacerbé ces phénomènes, participant à l'accélération des mutations préexistantes dans les systèmes agricoles.
En grande culture, le contexte est favorable
Les conditions climatiques ont été globalement favorables au cours de la campagne culturale. Bien que les températures froides du printemps aient pu impacter négativement les cultures d'hiver en termes de rendements et de qualité, les pluies estivales régulières ont entraîné d'excellents rendements pour les cultures d'été. Plusieurs facteurs ont contribué à un contexte économique positif : la contraction des stocks mondiaux de céréales depuis 2017, une demande mondiale dynamique en céréales et oléagineux, le "coup de chaud" au Canada affectant la production de blé dur et de canola, ainsi qu'une production limitée de colza en Europe.
Les cours européens et mondiaux de toutes les productions agricoles ont commencé à augmenter à partir de l'été 2021, connaissant une hausse encore plus forte en mars 2022 en raison de la guerre en Ukraine. Un agriculteur haut-garonnais a souligné tout de même une problématique importante : celle des phytosanitaires.
"Nous sommes ouverts à réduire notre utilisation de produits phytosanitaires. Cependant, il est crucial de ne pas nous désavantager par rapport à des nations ayant des réglementations moins contraignantes dans ce domaine."
Quid des charges...
Le produit a augmenté de 380 euros/ha pour atteindre près de 1570 euros/ha, incluant les aides et les produits divers. Les charges opérationnelles sont relativement stables, avec une augmentation de 2% répartie sur l'ensemble des postes (engrais, semences, phyto, assurances cultures et divers). Les charges de structure ont augmenté de 7%, notamment sous l'effet des postes "carburant" (+24%) et 'entretien' (+16%), tandis que les autres charges (foncier et frais généraux) ont augmenté de 3%.
L'EBE a progressé de 334 euros/ha pour atteindre 547 euros/ha. Après plusieurs années de faible rentabilité, les exploitations céréalières de la région ont retrouvé le niveau de rentabilité des années 2010-2012, avec un ratio EBE/produit brut de 35%. Pour les exploitations en agriculture biologique, le produit augmente dans les mêmes proportions, générant un EBE de 72 500 euros, contre 64 800 euros pour les exploitations conventionnelles, en raison d'un niveau d'aides supérieur (+70 euros/ha) et de charges opérationnelles inférieures de 80 euros/ha.
... et de la situation financière des exploitations ?
Avec l'augmentation de la rentabilité, la plupart des exploitations constatent une amélioration de leur situation financière. Sur un EBE de 66200 euros, 24300 euros (soit 200 euros/ha) sont consacrés au paiement des annuités et frais financiers, laissant ainsi près de 42 000 euros pour rémunérer les exploitants et consolider la situation financière de l'exploitation. Pour les exploitations en agriculture biologique, l'EBE de 72 500 euros permet de couvrir 36 000 euros d'annuités, laissant 36 500 euros pour la rémunération, la consolidation financière ou les investissements. La part d'exploitations en bonne santé financière (sérénité et équilibre) passe de 68% à 84%, tandis que la part d'exploitations en difficulté (danger et urgence) diminue de 14% à 9%.
L'accès à l'eau en Occitanie revêt une importance cruciale, tant dans le contexte de l'irrigation agricole que pour l'abreuvement du bétail dans les zones d'élevage. La moitié des surfaces irriguées dans la région bénéficie de l'irrigation collective, une proportion notablement supérieure au niveau national, qui atteint un tiers. Les quelque 700 réseaux collectifs présents sur le territoire contribuent à la singularité et au patrimoine régional. Une étude socio-économique menée en 2021 sur le bassin Adour-Garonne a révélé que l'irrigation génère 18% des volumes de la production végétale (hors vignes), représentant 41% de la valeur totale de cette production.
L'irrigation ne se limite pas à garantir des rendements sécurisés ; elle assure également la qualité des produits agricoles. Dans certains cas, elle offre même l'accès à des cultures à haute valeur ajoutée. Les exploitations utilisant l'irrigation parviennent ainsi à créer davantage de valeur par unité de surface, limitant ainsi la nécessité d'agrandir les exploitations. En outre, l'irrigation contribue à renforcer la résilience des exploitations en autorisant la production d'une diversité de cultures. Elle aide également à faire face à des événements climatiques extrêmes, tels que les sécheresses ou les gels de printemps en arboriculture.
L'accès à l'eau émerge comme l'un des leviers majeurs de la transition agroécologique, en permettant l'allongement des rotations avec des cultures diversifiées. Dans certains territoires d'Occitanie, la disponibilité de l'eau devient une condition sine qua non, facilitant voire conditionnant la reprise des exploitations et l'installation de jeunes agriculteurs. Entre 2010 et 2020, la part irriguée de la Surface Agricole Utile (SAU) en Occitanie a connu une augmentation significative de 14,4%. Cette hausse pourrait indiquer l'utilisation croissante de l'irrigation comme stratégie d'adaptation au changement climatique, avec une redistribution des volumes d'eau pour mettre en place une irrigation d'appoint, par exemple, pour les semis de céréales ou pour pallier le manque d'eau exceptionnel dans la viticulture.
Un céréalier de Lauragais a exprime son opinion sur la question de l'irrigation : "Il est essentiel de prendre pleinement conscience des bienfaits de l'irrigation pour nos régions. Si le projet de barrage de Charlas ne se concrétise pas, le grand Lauragais est condamné !". Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la Région Occitanie en charge de la souveraineté alimentaire, de la viticulture et de la montagne, a répondu que "depuis l'événement de Sivens, les collectivités sont excessivement prudentes. Rien n'est entrepris dans cette région à l'ouest. Pourtant, il sera indéniablement nécessaire de construire des barrages à l'avenir",
Des résultats techniques atteints pour le maïs
Les surfaces dédiées au maïs semences connaissent une hausse constante depuis 2017, passant de 18 200 ha à 25 700 ha. Cette augmentation s'explique par la demande mondiale croissante en semences, malgré des rendements objectifs qui ne sont pas toujours atteints. Bien que les conditions d'implantation aient été quelque peu difficiles au printemps, la météo plus favorable pendant la période estivale, caractérisée par des pluies régulières et des températures clémentes, a permis d'atteindre les rendements objectifs dans la plupart des cas. Le produit moyen atteint 4 500 euros/ha.
Le produit courant progresse de 500 euros/ha pour atteindre 2 520 euros/ha. Cette amélioration résulte d'un meilleur rendement en céréales et d'une augmentation de la surface moyenne en maïs semence. Le produit des céréales augmente de 27 000 euros et celui du maïs semence de 44 000 euros, soit une hausse totale de 750 euros/ha. Les charges d'exploitation enregistrent une augmentation de 100 euros/ha, notamment pour les engrais (+9%), les produits phytosanitaires (+5%), les assurances cultures (+27%), la mécanisation (+14%), et les frais généraux (+6%).
L'EBE progresse de 57 000 euros pour atteindre 116 000 euros, représentant 34% du produit brut. Les annuités et frais financiers s'élèvent à 35 400 euros, laissant un peu plus de 80 000 euros pour la rémunération des exploitants, la consolidation de la situation financière de l'exploitation et les investissements. Les exploitations dédiées au maïs semences continuent d'investir sur cette campagne, avec un investissement net de plus de 51 000 euros. Malgré cela, le taux d'endettement passe sous la barre des 50%. Les situations financières s'améliorent, avec 91% des exploitations classées en "sérénité" ou "équilibre" et seulement 6% en situation de danger.
Des contrastes chez les maraîchers
En 2021, les achats des ménages en légumes ont connu une baisse significative, tant en volume (-2,3%) qu'en valeur (-3,7%), après une hausse conséquente en 2020, attribuable à l'effet Covid. Parallèlement, la part des légumes importés continue de croître.
Malgré une augmentation de la surface maraîchère, le produit maraîchage stagne (-1%). Les charges augmentent de manière plus soutenue (+4%), en particulier pour les postes mécanisation et frais généraux. La charge en main-d'œuvre diminue (-8%) malgré l'augmentation du salaire horaire, atteignant 6 400 euros/ha par maraîchage. Une grande disparité caractérise le groupe, avec 15% des exploitations générant un chiffre d'affaires inférieur à 50 000 euros et 13% dépassant les 500 000 euros. L'EBE chute de 11%, bien qu'il permette de faire face aux engagements financiers et aux prélèvements privés. La CAF se réduit, mais demeure excédentaire de 7 830 euros. Les investissements ont nettement augmenté, de même que les nouveaux emprunts.
Une maraîchère bio a évoqué les défis auxquels fait face son secteur :
"Il est louable que l'agriculture biologique bénéficie d'aides. Cependant, il est essentiel d'orienter ces aides vers les exploitations éprouvant des difficultés"
Globalement, la situation financière reste saine pour 79% des exploitations. Cependant, avec une trésorerie dégradée, la situation financière est préoccupante pour près d'une exploitation sur quatre.
Viticulture : des rendements historiquement faibles
La récolte occitane de 2021, marquée par un gel de printemps exceptionnel, enregistre une baisse significative de 23% par rapport à 2020. Les rendements varient localement, et l'impact sur les exploitations dépend de facteurs tels que la souscription à l'assurance multirisques climatiques. Malgré la petite récolte, le produit viticole des caves particulières augmente de 3%, résultant principalement des ventes issues de la récolte 2020. Les charges augmentent de 4%, avec une nette progression des autres produits, des indemnités, et des aides liées au Covid. L'EBE et le résultat affichent une augmentation respective de 22% et 44%.
Les exploitations maintiennent un niveau de rentabilité satisfaisant, avec un EBE moyen dépassant les 88 000 euros. Les flux de trésorerie sont équilibrés, témoignant de la consolidation financière. La capacité d'autofinancement progresse, et la santé financière est jugée satisfaisante pour trois quarts des exploitations.
Pour la vente coopérative et négoce, le produit viticole 2021 diminue de 11,6%, principalement en raison de la petite récolte et des variations de stocks. Pour un tiers des exploitants assurés, l'impact du gel est limité grâce aux indemnités d'assurance. Cependant, la population non assurée subit une chute du résultat.
Malgré la baisse de la récolte, le maintien de l'EBE permet de satisfaire l'ensemble des besoins, laissant une capacité d'autofinancement positive. Les investissements restent soutenus, et les prélèvements privés représentent 22% de l'EBE. Les exploitations démontrent une résilience suffisante pour absorber les difficultés liées à la récolte 2021. Environ 74% d'entre elles affichent une santé financière et économique jugée saine.
Dans l'arboriculture, l'impact du gel historique
Le gel exceptionnel d'avril 2021 a fortement impacté les volumes de production, avec des situations contrastées selon les zones, la précocité des espèces, et les dispositifs de protection. La cerise a particulièrement souffert, tandis que les cours élevés ont compensé la baisse de production en abricot, pêche et prune. L'augmentation des prix et les subventions pour calamités ont généralement compensé la diminution de la production et la hausse des charges. L'EBE a couvert les prélèvements privés et les emprunts, laissant une capacité d'autofinancement de 50%. La stabilité des charges de main-d'œuvre contraste avec la hausse des intrants, soulignant une grande hétérogénéité des résultats.
En dépit de la variabilité des résultats, les ratios financiers sont positifs pour 90% des exploitations arboricoles. Les situations d'urgence et de danger ne concernent que 4% des exploitations, témoignant d'une amélioration de la santé financière. Cependant, la fragilité de la filière persiste, nécessitant une gestion prudente face aux fluctuations climatiques et du marché.
Les gelées d'avril ont affecté les récoltes de manière variable, avec une hétérogénéité de rendements selon divers facteurs. Pour les pommes, la récolte européenne progresse de 9%, mais la France est en déficit. Les cours fluctuent en fonction des calibres. Pour le kiwi, la Nouvelle-Zélande voit sa récolte augmenter, tandis qu'en France, la baisse est marquée, entraînant une hausse des prix en début de saison.
L'arrivée en production de jeunes plantations amplifie la progression du produit arboricole, avec une hausse des produits en pomme et kiwi malgré la baisse en cerise et prune de table. L'EBE augmente nettement, mais l'hétérogénéité des résultats persiste au sein du groupe. La taille de l'exploitation, les variétés cultivées, et le réseau commercial influent fortement sur les performances. L'EBE couvre tous les besoins, avec une partie consacrée à l'amélioration du fonds de roulement et de la trésorerie. Cette marge de sécurité est essentielle pour faire face aux fortes fluctuations propres à cette production.
En Occitanie, à l'instar des autres régions françaises, le vieillissement marqué de la population agricole demeure une réalité préoccupante. Après une vague significative de départs enregistrée en 2017 et 2018, le pourcentage d'agriculteurs âgés de plus de 55 ans se stabilise à 39% en 2019 et persiste en 2020. Les installations nouvellement créées peinent à compenser les départs, illustrant une tendance persistante au fil des années. En moyenne, sur la décennie écoulée, seulement 64 agriculteurs s'installent pour chaque départ de 100 agriculteurs.
Toutefois, une légère augmentation de ce ratio est observée depuis les années 2010. Ramené à la population agricole totale, le taux de renouvellement moyen atteint 3% par an sur les 10 dernières années. Certaines filières affichent toutefois une dynamique d'installation plus soutenue, dépassant un taux de renouvellement annuel de 4%. Parmi celles-ci, on compte le maraîchage, l'élevage équin, l'élevage avicole, et, selon les années, l'élevage de petits ruminants. L'année 2020 a été marquée par les perturbations liées à la crise sanitaire de la Covid-19, entraînant une baisse significative des installations de jeunes agriculteurs, avec un recul de plus de 8% par rapport à l'année 2019. Cependant, cette diminution devrait revêtir un caractère temporaire, car une reprise est observée en 2021, témoignant d'une résilience du secteur face aux défis rencontrés.
"Ne pas nous replier sur nous-mêmes"
Pour Sébastien Windsor, "Il est impératif d'avoir un projet respectueux de l'environnement tout en étant axé sur le développement. En 20 ans, nous sommes passés de 800 000 tonnes à 400 000 tonnes d'exportation de volaille".
"Je ne pense pas que nous puissions nous satisfaire de cette situation. Nous devons penser aux prochaines élections au Parlement européen en juin. L'Europe doit veiller à ce que les normes n'entravent pas les échanges. Bien que l'Europe soit perfectible, nous ne pouvons pas nous replier sur nous-mêmes. La France doit continuer à exporter certaines productions, et certains pays ont besoin de la France pour se nourrir".
Retour de la grippe aviaire en 2021
En 2021, la production française d'œufs augmente, atteignant 972 000 tonnes. Les élevages "alternatifs" représentent 51%, dépassant l'objectif fixé pour 2022. La production de volailles de chair augmente en poids malgré une stabilité des abattages. Les exportations reprennent après la chute de 2020. Cependant, la grippe aviaire affecte les palmipèdes gras, avec une baisse de 26% des abattages de canards gras en 2021.
En 2021, le produit avicole diminue de 9%. Les périodes de vide sanitaire liées à la grippe aviaire expliquent partiellement cette baisse. Les indemnisations compensent, maintenant le produit total à 223 000 euros en moyenne sur l'échantillon. L'EBE augmente légèrement (+13%), mais la hausse est limitée par des coûts d'intrants défavorables, en particulier le carburant (+10%).
Les élevages bio représentent 16% de l'échantillon, réalisant 15% du produit avicole total. Cependant, l'EBE ne permet pas d'autofinancement, les investissements sont en forte hausse (+95%), principalement financés par de nouveaux emprunts.
La part des exploitations en "alerte", "danger" et "urgence" augmente, passant à 32% de l'échantillon. Parallèlement, les exploitations à l'équilibre ou dans une situation financière sereine diminuent de 73% à 69% en 2021. Les élevages bio représentent 14% des exploitations en "sérénité" et "équilibre". Le produit avicole diminue fortement (-17%), principalement en raison des restrictions liées à la grippe aviaire. Malgré cela, l'EBE 2021 est en hausse de 43%, avec une conjoncture favorable sur les ateliers grandes cultures (+52%).
L'EBE couvre les annuités, mais pas la totalité des besoins privés et des frais financiers. La capacité d'autofinancement diminue de 14%. Les cessions d'immobilisations progressent plus vite que les investissements, chutant de 47%. Les produits du gavage reculent de 5% en un an, en raison des restrictions liées à la grippe aviaire. Néanmoins, l'EBE 2021 est en hausse de 30% à 58 140 euros. La capacité d'autofinancement s'améliore légèrement, représentant 3% de l'EBE.
Les élevages sont partagés entre ceux en forte difficulté financière (20%) et ceux en bonne situation financière (55%), accentués par le retour de la grippe aviaire. Les gaveurs avec activité de transformation sont majoritairement en très bonne santé financière (62%).
Bovins : entre défis sanitaires et reprise dynamique
La baisse de la production de bovins finis se caractérise par la diminution des abattages en vaches de réforme laitières (-3%) et en jeunes bovins, non compensée par la hausse des abattages en vaches de réformes allaitantes (+1,1%). La reprise de la restauration hors domicile (RHD) booste la demande de steaks hachés après la crise sanitaire. Les cours des vaches classées « O » et « R » progressent fortement, et les broutards voient des cours en forte progression à partir de septembre.
Le cheptel reste constant avec une augmentation du volume de vente de vaches de réforme, atteignant une valorisation de 1536 euros/vache. Les broutards voient des cours stables à 1059 euros. Le produit courant augmente de 4%, atteignant près de 146 700 euros. Les charges opérationnelles augmentent de 3%, et les charges de structure de 3%, principalement les charges de mécanisation (+4%). L'EBE progresse de 6%, atteignant 45 430 euros, avec une certaine disparité parmi les exploitations. Les annuités absorbent 50% de l’EBE, les prélèvements privés diminuent, et la capacité d’autofinancement progresse à 4 870 euros.
Le taux d’endettement global s’améliore à 32%, et le fonds de roulement permet de financer plus d’un an du cycle de charges. La situation financière s'assainit, avec 79% des exploitations classées en « sérénité » et « équilibre ». Pour les exploitations bovin lait, la bonne orientation du marché du lait est expliquée par une offre moindre, une demande dynamique, mais des charges en hausse. Le prix du lait est porteur pour la campagne, mais les charges augmentent en raison de la reprise post-Covid et de certaines restrictions d'exportation. La collecte de lait bio est confrontée à un recul de la consommation de produits laitiers bio en 2021.
Le produit progresse grâce à une conjoncture solide, avec un prix du lait à 385 euros/1000L en 2021. Malgré une hausse des charges, l'EBE augmente de 11% pour atteindre 65 490 euros. L'EBE est consommé par la progression des engagements financiers (+12%) et des prélèvements privés (+9%). Les exploitations restent sans capacité d’autofinancement, mais plus de 80% disposent d'une situation financière sereine ou équilibrée. La situation financière des exploitations en alerte ou en danger reste inchangée malgré un contexte favorable.
Le problème des normes
Un éleveur bovin a soulevé une préoccupation différente : la résurgence de la maladie hémorragique épizootique (MHE), qui a frappé les exploitations agricoles à l'automne et à l'hiver 2023 :
"Nous constatons une recrudescence alarmante de la MHE dans nos fermes. Il est anormal d'être pris au dépourvu par une crise sanitaire dans le monde post-Covid. Il est impératif d'anticiper davantage au niveau européen et de réagir rapidement dès qu'une telle maladie est détectée. Il faut de plus, simplifier les normes. Bien qu'utiles parfois, les normes agricoles posent problème. Même les conseillers des chambres d'agriculture éprouvent de réelles difficultés à nous apporter une assistance adéquate, en raison de leur nombre important".
Démographie et emploi agricole en Occitanie
En Occitanie, les secteurs agricole et agroalimentaire jouent un rôle essentiel en tant qu'employeurs majeurs, totalisant près de 160 000 emplois en 2020. Plus de la moitié de ces emplois sont directement liés aux exploitations agricoles. Le reste se répartit entre les Industries Agroalimentaires (IAA) et les services agricoles, avec un quart des effectifs enregistré au sein des coopératives agricoles. En 2020, la région compte 57 892 chefs d'exploitation, dont 24% sont des femmes, et 11 120 cotisants solidaires, dirigeant conjointement les 58 918 exploitations agricoles. Cependant, les effectifs et le nombre d'exploitations suivent une tendance à la baisse constante. Entre 2010 et 2020, la diminution atteint 15%, selon les données du dernier recensement agricole.
La main-d'œuvre familiale demeure significativement présente, représentant 10% de la main-d'œuvre totale, dépassant la moyenne nationale de 5,5%. Parallèlement, on observe une augmentation des exploitations recourant à l'emploi salarié, passant de 20% à 23% au cours de la dernière décennie. La main-d'œuvre salariée agricole en Occitanie représente 35% des Unités de Travail Annuel (UTA) agricoles totales, faisant de la région le deuxième employeur en main-d'œuvre salariée et contribuant à hauteur de 13% des UTA salariées agricoles nationales.
Vieillissement de la population agricole
Malgré cette tendance à la professionnalisation, le vieillissement persistant de la population agricole constitue un défi majeur. En 2020, les exploitants occitans affichent une moyenne d'âge de 52,8 ans, comparativement à 51,3 ans en 2010. Les moins de 40 ans représentent 18% des chefs d'exploitation, tandis que les plus de 60 ans constituent 31% des effectifs, soit une augmentation de 8% en 10 ans. Au total, plus de la moitié des exploitations sont dirigées par un agriculteur de plus de 55 ans.
Cependant, cette réalité présente des variations selon les orientations des exploitations et les territoires. Les grandes cultures, l'arboriculture, l'élevage bovin lait, l'élevage bovin viande, le mixte et la viticulture affichent un nombre plus élevé d'exploitants âgés. À l'inverse, les exploitations en maraîchage-horticulture, en élevage de porcs ou de volailles comptent moins d'exploitants de plus de 55 ans. Cette diversité se reflète également géographiquement, avec une concentration d'agriculteurs plus âgés dans certains départements tels que la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, l'Hérault, le Tarn-et-Garonne et les Pyrénées-Orientales, tandis que la Lozère, le Gers et l'Aveyron affichent une proportion moindre d'exploitants de plus de 55 ans. Ces disparités s'expliquent en grande partie par les productions agricoles dominantes dans chaque département.
En 2022, le marché foncier de l'espace rural enregistre une expansion notable, englobant une superficie totale de 104 000 hectares, ce qui représente une augmentation significative de +5,6% par rapport à l'année précédente. Témoignant d'une dynamique constante, ce marché affiche une tendance à la croissance amorcée il y a près de 10 ans. Sur le plan financier, la valeur totale de ce marché foncier rural s'élève à 4,485 millions d'euros en 2022, restant relativement stable par rapport à l'année précédente (4,519 millions d'euros en 2021). Bien que cette valeur demeure inchangée au cours des deux dernières années, elle connaît une forte progression depuis 2019, pré-crise sanitaire, enregistrant une augmentation significative de +38% en valeur par rapport à cette année-là.
Le marché agricole connaît une légère augmentation en termes de superficie, gagnant plus de 1 700 hectares en une année. En valeur, il progresse également de +5%, soit une augmentation de 45 millions d'euros. En revanche, le marché non agricole affiche une baisse, tant au niveau de la superficie (-3%) que de la valeur totale (-4,5%). Le marché forestier, quant à lui, enregistre une progression entre 2021 et 2022, affichant une croissance de +22% en superficie et +28% en valeur.
En comparaison avec l'année 2019, la plupart des marchés ont connu une augmentation, à l'exception des marchés liés à l'artificialisation de l'espace et celui des collectivités, qui observent une baisse de -10% entre 2019 et 2022. Parallèlement, le marché des terres et prés affiche une croissance de plus de 30% en valeur sur cette même période, avec une augmentation de 10% en superficie.