« Des entreprises qui sont viables économiquement sont effectivement devenues fragiles avec une trésorerie sur le fil du rasoir »
La baisse des volumes se poursuit dans la filière BTP ?
Le BTP continue à souffrir. La filière française a perdu 21 000 postes en 2013, 7000 vont disparaître en 2014. Sur la seule Haute-Garonne, un millier d’emplois ont été supprimés chaque année depuis cinq ans. Sur l’ensemble de l’année 2013, l’activité s’est repliée de 2,6%, on attend une baisse de 0,4% en 2014. Les Travaux publics sont plus particulièrement impactés. La crise touche encore plus intensément les structures artisanales dans le logement qui doivent supporter simultanément les problèmes de délais, de concurrence déloyale, les auto entrepreneurs...
Les entreprises sont devenues très fragiles avec des trésoreries tendues ?
Oui, c’est sans doute le problème numéro 1. Des entreprises qui sont viables économiquement sont effectivement devenues fragiles avec une trésorerie sur le fil du rasoir. Avec la crise les marges ont baissé. La loi LME a accéléré le phénomène. Les délais fournisseurs se sont réduits et les délais de paiement se sont allongés. Nos entreprises n’ont vraiment aucune flexibilité. Par contre coup, les banques et les assureurs crédit nous analyse avec plus de sévérité et ont tendance à décoter notre secteur dans sa globalité. La Fédé 31 s’est emparée du dossier en créant une Commission sur les problèmes de trésorerie afin notamment de sensibiliser les maîtres d’ouvrage sur les conséquences des retards et mettre fin aux « délais cachés » dans les marchés de travaux en incluant dans les délais de paiment le délai de vérification du maître d’oeuvre. Nous travaillons avec certains opérateurs pour accroître les avances.
La crise a aussi accru le phénomène de concurrence déloyale et le travail illégal !
C’est un vrai sujet et un fléau social. Je souligne qu’il concerne toute la société et pas seulement nos entreprises. Le travail illégal entraine des pertes d’emploi considérables, des pertes de recettes fiscales pour financer le logement social, la sécurité sociale... C’est toute l’économie locale qui est pénalisée. La fraude aux salariés détachés provient d’entreprises françaises faisant appel à des entreprises ou des agences d’intérim établies dans l’Union européenne. Elles proposent des tarifs très bas au-dessous du minimum légal, bafouant la réglementation sociale et fiscale nationale. Conséquences : des conditions de travail déplorables, des hébergements de fortune, des très bas salaires…Cela contribue aussi à renvoyer auprès du grand public une image négative de la filière BTP qui remet en cause tous les efforts que nous avons faits ces dix dernières années pour revaloriser nos métiers. Nous avons réagi notamment en créant au sein de la Fédé 31 une commission ad ’hoc sur ce thème. Le 21 novembre la Fédé 31 a signé une convention avec la DIRECCTE prévoyant notamment le port obligatoire de la carte d’identité professionnelle sur les chantiers, l’agrément des sous-traitants, le bannissement de la sous-traitance intégrale. Nous avons aussi signé une convention avec Oppidea, l’opérateur de la Métropole toulousaine pour lutter contre le travail illégal. Une centaine d’entreprises de la Fédé 31 ont adhéré à la Charte ETHIBAT. Sur tous ces aspects, pour agir efficacement, il faut travailler main dans la main avec les pouvoirs publics, les maîtres d’ouvrages, les entreprises.
La crise favorise le développement des offres anormalement basses
C’est très dangereux. Le ralentissement de l’activité peut conduire des entreprises à proposer des prix cassés. Les conséquences sont néfastes à la fois pour les entreprises et les maîtres d’ouvrage. La qualité des prestations se dégradent, la concurrence est faussée, le contentieux et la sinistralité augmentent, les marchés sont exécutés partiellement. Dès qu’il y a des gros écarts les maîtres d’ouvrage doivent pouvoir les éliminer. La Fédé 31 souhaite que la méthode de détection des offres anormalement basses mise au point par la Fédération du bâtiment, soit utilisée systématiquement dans les appels d’offre.
Certains maires ont été élus aux dernières élections municipales en prévoyant de limiter la construction sur leur territoire, cela vous inquiète ?
Oui, nous avons noté le phénomène qui nous l’espérons relève d’abord de la tactique électorale. La Fédé 31 a toutefois commencé à rencontrer les élus pour leur expliquer qu’il ne faut surtout pas arrêter de construire mais réfléchir ensemble pour construire différemment, en apportant des réponses nouvelles adaptées aux territoires. Les besoins en logement, en écoles, en crèches, en infrastructures, en transport, sont très importants. Le vieillissement de la population est également un enjeu majeur avec le maintien à domicile en adaptant le logement. Chaque année, l’agglomération toulousaine accueille des milliers de nouveaux habitants. En 2040 la population de l’agglomération aura de plus 240 000 habitants passant de 930 000 à 1 167 000 habitants d’après l’Insee.
Les collectivités locales risquent pourtant de baisser leurs dépenses d’investissement à terme avec la volonté du gouvernement de baisser le niveau des dépenses publiques.
La réduction des dépenses des collectivités locales ne doit pas se faire au détriment de l’investissement mais en agissant sur les dépenses de fonctionnement. Nous avons la chance à Toulouse d’avoir une économie encore dynamique avec la locomotive de l’aéronautique. Airbus Group a choisi d’y implanter son siège européen en cours de construction. Plusieurs projets d’envergure en cours comme la ZAC de la Cartoucherie, la construction du futur Parc des expositions, à terme le réaménagement de la gare Matabiau, vont contribuer à maintenir la dynamique. La Fédé 31 compte travailler avec les élus et les équipes de Toulouse Métropole pour préserver voire développer le volume des travaux et l’emploi. C’est essentiel.
Le marché de l’efficacité énergétique est en panne ?
Les besoins sont énormes pour revaloriser le patrimoine existant, mettre à niveau les bâtiments en contribuant ainsi à la transition énergétique. Mais le marché n’est pas mature car il n’y a toujours pas en vigueur un système fiscal incitatif faute d’une réelle volonté politique. Pourtant chaque euro dépensé dans ce domaine se répercute directement sur l’emploi tout en baissant les factures d’énergies. C’est d’autant plus rageant car nos entreprises ont formé leurs équipes depuis plusieurs années. Nous attendons des mesures rapides sur la RGE.
Vous demandez une simplification du compte individuel de prévention de la pénibilité qui démarre le 1er janvier 2015 ?
Oui. Tel qu’il est le système nous paraît inapplicable, c’est une usine à gaz notamment pour les entreprises qui ne disposent pas de l’appui administratif nécessaire. Nous ne contestons pas le principe d’accorder aux salariés exerçant des emplois pénibles, de cumuler des points pour avoir des trimestres supplémentaires leur permettant une cessation anticipée d’activité. Mais les modalités sont à revoir. Nous demandons la suppression de la fiche pénibilité. Cette mesure va s’avérer très couteuse et complexe avec une fiche pénibilité à remplir poste par poste, salarié par salarié, situation par situation. Appliquer globalement des seuils à des situations individuelles va aussi constituer un facteur très réel de zizanie au sein des entreprises.
Entreprises générales et sous-traitants : un code de bonne conduite
La FFB de la Haute-Garonne pour le compte des entreprises de sous-traitance et l’EGF-BTP Midi-Pyrénées (1) qui représente les grands groupes et ETI régionales, viennent de renouveler leur charte de partenariat. « L’idée c’est d’instaurer un code de bonne conduite en complément de la législation sur la sous-traitance dans une période de nouveau plus compliqué pour la filière avec la baisse des volumes » relève Christian Vandewalle, le délégué régional de l’EGF-BTP Midi-Pyrénées. La Charte prévoit des recommandations lors de la phase étude, du chantier et de la réception et SAV. L’entreprise générale doit par exemple communiquer au candidat sous-traitant les pièces utiles à l’élaboration de son offre, communiquer le PV de réception signé par le maître d’ouvrage, à l’inverse le sous-traitant doit fournir un planning prévisionnel d’exécution de son lot, effectuer ses autocontrôles avant la réception et lever les réserves dans le délais contractuels. « Le but c’est d’être au final plus efficace, en levant toutes les ambiguïtés, en diminuant les risques ». Les entreprises générales et de sous-traitances avec leurs équipes se sont réunies le 23 mai dernier.
Bouygues, Demathieu & Bard, GA, Spie, Fayat GCC, Vinci, GBMP, Socotrap, Sopreco, Gallego, Eiffage.
Article diffusé par JL Bénédini le 23/06/2014