Comment sécuriser ses délégations de pouvoirs ?

Mathieu Aurignac et Mathias Jourdan, directeurs et avocats associés chez Fidal à Toulouse

Mathieu Aurignac et Mathias Jourdan, directeurs et avocats associés chez Fidal à Toulouse

Le Mardi du Medef 31 organisé le 10 janvier dernier au Belvédère avait pour thème « Comment sécuriser ses délégations de pouvoirs ». Un sujet qui intéresse toutes les entreprises quelles que soient leur activité. Mathieu Aurignac et Mathias Jourdan, directeurs et avocats associés chez Fidal à Toulouse sont intervenus pour expliquer dans le détail cette notion juridique qui peut avoir des conséquences non négligeables si elle est mal maîtrisée par le chef d’entreprise. Exemple cité, un accident mortel entraîne la condamnation du chef d’entreprise à 10 mois avec sursis et 10 k€ d’amende. Le risque majeur c’est la récidive avec une peine d’emprisonnement.

La délégation de pouvoir est nécessaire car le chef d’entreprise ne peut pas être physiquement partout à fortiori s’il y a plusieurs sites, des chantiers différents, pour organiser et faire respecter la réglementation du travaiI. ll n’y pas de définition légale de la délégation de pouvoir, c’est la Cour de cassation le 11 mars 1993 qui a défini son contour. A condition que le chef d’entreprise n’ait pas pris personnellement part à la réalisation de l’infraction pénale, il va pouvoir s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs.

La bonne technique c’est de s’organiser en transférant des pouvoirs à  l’un de ses collaborateurs. C’est alors lui, le délégataire qui devra vérifier si toutes les conditions de sécurité sont bien respectées et dont la responsabilité sera éventuellement recherchée par le juge en cas d’infraction. Le délégataire se substitue au chef d’entreprise, le délégant.

Attention la délégation de pouvoir ne doit pas être confondue avec un  mandat de représentation ou une délégation de signature qui engagent l’entreprise mais ne transfèrent pas la responsabilité pénale. On transfère juste un pouvoir de signer un acte.

Tout ne peut pas être délégué. Il faut recenser et déterminer matière par matière dans la réglementation du travail, les éléments transférés.

La délégataire aura une liberté de décision et d’organisation, en contrepartie il devra assumer seul  les conséquences en cas d’infraction au code du travail pour le personnel placé sous sa responsabilité. En cas de recours judiciaires, les entreprises prennent en charge les frais s’il n’y a pas eu de fautes individuelles du délégataire.

Le délégant est le chef d’entreprise, le délégataire, un salarié.  La délégation à un tiers est interdite. Les subdélégations de pouvoir du délégant sont autorisées. A l’intérieur des groupes, la délégation de pouvoir à un non salarié de l’entreprise mais salarié d’une filiale est permise s’il exerce par exemple une fonction transversale de contrôle et sécurité. Toutes ses modalités doivent être précisées.

En effet la mise en œuvre concrète de la délégation de pouvoir exige de respecter des règles et une formalisation pour apporter la preuve de sa validité devant le juge. Le délégant devra vérifier les compétences professionnelles du délégataire, qu’il a suffisamment de moyens pour mettre à disposition des salariés des protections collectives, des EPI. La formalisation par écrit est nécessaire, en trois exemplaires signés, remis au déléguant, au délégataire et au service interne de l’entreprise. Le caractère notoire est nécessaire  par exemple en insérant les délégations dans l’intranet de l’entreprise.

Autres conseils des avocats de Fidal, le chef d’entreprise doit assurer le suivi des délégations de pouvoir et les mettre à jour en cas de changement dans l’organisation, les fiches de poste, suite au rachat d’une société…Exemple dans cette entreprise régionale de 800 salariés qui a apporté son témoignage, le circuit de délégation évolue, désormais ce sont les directeurs généraux opérationnels qui délèguent des pouvoirs au chef d’établissement pour les aspects disciplinaires, le CHST.  Concernant l’international, c’est le droit local qui s’appliquera. Le délégant évitera d’envoyer des directives au délégataire  par mail qui remettraient en cause les pouvoirs délégués.

De nombreux questions ont été posées par les chefs d’entreprise présents à ce Mardi du Medef31 aux intervenants sur un sujet qui devient vite complexe au regard de la configuration des entreprises, de la nature des activités.

JL Bénédini

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