Décarbonation dans l'aéronautique et le spatial : les entreprises du Sud-Ouest sont-elles de bonnes élèves ?

Au cœur du Grand Sud-Ouest, la filière aéronautique et spatiale évolue vers une ère de durabilité et d'innovation. Une étude a été menée par l'Insee et le pôle de compétitivité Aerospace Valley sur près de 1 310 entreprises implantées dans la région.

En 2022, 37 % des entreprises de la filière aérospatiale du Sud-Ouest ont mis en place au moins un projet pour améliorer leur performance environnementale. (Photo : Airbus)

En 2022, 37 % des entreprises de la filière aérospatiale du Sud-Ouest ont mis en place au moins un projet pour améliorer leur performance environnementale. (Photo : Airbus)

En 2022, parmi les 1 310 entreprises implantées dans le Grand Sud-Ouest, la filière aéronautique et spatiale connaît une évolution significative vers des pratiques plus durables. Les données révèlent que 37 % de ces entreprises ont entrepris au moins un projet visant à améliorer leur performance environnementale. Cette tendance met en lumière une prise de conscience croissante des enjeux écologiques au sein de l'industrie.

Une majorité d'entreprises de taille moyenne

Selon les chiffres données par l'Insee, et en partenariat avec le pôle de compétitivité Aerospace Valley, la filière aéronautique et spatiale du Grand Sud-Ouest comprend une majorité d'entreprises de taille moyenne, représentant 72 % des acteurs, suivies par les entreprises de taille intermédiaire à hauteur de 20 %, et les grandes entreprises à 8 %. Ces entreprises opèrent dans divers secteurs, avec 60 % d'entre elles concentrées dans l'industrie et les 40 % restantes dans le secteur tertiaire.

En outre, cette transition vers des pratiques plus durables est en partie motivée par les défis environnementaux auxquels l'industrie aérospatiale est confrontée. Les émissions de CO2 provenant des vols en avion représentaient 2,4 % des émissions mondiales de CO2 en 2018, un chiffre en augmentation constante avec la multiplication des vols. Dans ce contexte, un accord historique a été conclu en octobre 2022 entre les 193 États membres de l'ONU pour atteindre la neutralité carbone dans l'aviation civile mondiale d'ici 2050.

Cependant, l'industrie spatiale, bien que non directement soumise à cet objectif pour le moment, est également appelée à réduire son empreinte carbone. Avec l'essor du tourisme spatial et l'augmentation des lancements, cette industrie est de plus en plus consciente de son impact environnemental et investit dans des solutions pour le réduire.

Comment réduire l'empreinte carbone

Parmi les initiatives entreprises par les entreprises du Grand Sud-Ouest, les projets visant à améliorer la performance environnementale se concentrent principalement sur le processus de production et les locaux de production, avec respectivement 24 % et 23 % des entreprises engagées dans ces domaines. Des actions telles que la rationalisation de l'utilisation des matériaux et la réduction de la consommation énergétique des bâtiments sont mises en œuvre pour minimiser l'empreinte carbone.

De plus, 14 % des entreprises de la filière se concentrent sur l'optimisation environnementale des phases d'essais et de certification, tandis que 11 % se penchent sur l'amélioration de la performance environnementale des produits finaux, notamment la décarbonation des aéronefs et des astronefs.

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1 entreprise sur 20 a mis en place des projets pour décarboner les aéronefs ou astronefs. (Document : Insee)

Les grands acteurs en tête de l'engagement environnemental

Les données révèlent que 58 % des grandes entreprises ont entrepris au moins un projet visant à améliorer leur performance environnementale, comparativement à 44 % des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 32 % des petites et moyennes entreprises (PME). De même, les entreprises industrielles affichent un engagement supérieur, avec 41 % d'entre elles ayant mis en place au moins un projet de ce type, contre 30 % pour les entreprises du secteur tertiaire.

Plus spécifiquement, les entreprises de construction aéronautique et spatiale se distinguent par leur forte implication dans l'amélioration environnementale, avec 70 % d'entre elles menant au moins un projet à cette fin. Cette tendance se confirme lorsque les projets portent sur les produits finaux, avec 32 % des grandes entreprises et 31 % des constructeurs ayant entrepris des initiatives pour améliorer la performance environnementale des aéronefs et/ou astronefs, soit trois fois plus que la moyenne de la filière.

Travaux sur l'avion vert

Il est notable que les travaux axés sur l'avion vert sont principalement portés par ces grandes entreprises et constructeurs. Cependant, l'impact de ces initiatives pourrait s'étendre à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement à moyen terme, si les grandes entreprises et les constructeurs, en tant que donneurs d'ordres, intègrent progressivement cette dimension environnementale dans leurs cahiers des charges. Cette évolution pourrait stimuler l'adoption de pratiques plus durables à tous les niveaux de la chaîne de valeur de l'aéronautique et de l'aérospatiale. "Par ailleurs, il est intéressant de noter que l'engagement des entreprises dans les problématiques environnementales ne semble pas différer significativement, que leur activité se concentre sur le marché aéronautique, spatial ou les deux", spécifie l'Insee.

L'impact de la spécialisation sur les initiatives environnementales

L'engagement des entreprises de la filière aéronautique et spatiale dans des projets visant à améliorer leur performance environnementale est étroitement lié à leur degré de spécialisation dans le secteur. Les données révèlent que les entreprises fortement spécialisées dans l'aérospatiale sont les premières à entreprendre de telles initiatives. En effet, lorsque l'activité aérospatiale représente plus de 80 % du chiffre d'affaires d'une entreprise, une sur deux a mis en place au moins un projet de ce type.

Par ailleurs, la nature de la fonction principale de l'entreprise joue également un rôle significatif dans son engagement environnemental. Les entreprises se concentrant principalement sur l'intégration, les essais et la certification sont naturellement plus enclines à entreprendre de tels projets, étant donné que ces activités nécessitent des phases de tests et d'expérimentations énergivores.

L'Insee précise :

"Le fait de ne pas maîtriser le processus de production n'entrave pas nécessairement la mise en place de projets visant à améliorer la performance environnementale. Cependant, en ce qui concerne les produits finaux, les sous-traitants sont souvent contraints de suivre des cahiers des charges et des spécifications précises, limitant ainsi leur capacité à améliorer les performances des pièces ou des sous-ensembles commandés".

De plus, les initiatives visant à améliorer la performance environnementale exigent des ressources financières importantes et dépendent donc de la situation économique des entreprises. Les données montrent que seulement 26 % des entreprises dont le chiffre d'affaires aérospatial a diminué entre 2021 et 2022 ont entrepris au moins un projet pour améliorer la performance environnementale de leurs activités. Cette baisse du chiffre d'affaires peut refléter une volonté de se diversifier vers d'autres marchés, réduisant ainsi les investissements liés à l'activité aérospatiale.

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Au-delà de la décarbonation, les entreprises s’impliquent pour améliorer leur performance environnementale. (Document : Insee)

Projets de décarbonation dans la filière aérospatiale

Dans la quête d'une aviation plus durable, un nombre limité d'entreprises de la filière aérospatiale a entrepris des projets visant spécifiquement à décarboner les aéronefs et les astronefs. Les données révèlent qu'une entreprise sur 20 a mis en place au moins un projet dans ce domaine, avec une concentration plus marquée parmi les grandes entreprises et les entreprises spécialisées dans la construction aéronautique et spatiale, représentant respectivement 24 % et 22 % des entreprises engagées dans de tels projets.

Les initiatives de décarbonation dans l'industrie aérospatiale se concentrent principalement sur la réduction de la consommation de carburant. Cela se manifeste à travers le développement de moteurs ultra sobres, l'optimisation des trajectoires de vol pour une efficacité maximale et l'utilisation de matériaux plus légers pour réduire la charge et par conséquent la consommation de carburant.

En parallèle, les nouvelles propulsions jouent un rôle crucial dans la décarbonation de l'aviation. Les entreprises engagées dans des projets de décarbonation explorent des solutions hybrides ou électriques, offrant des alternatives plus respectueuses de l'environnement aux systèmes de propulsion traditionnels. De plus, l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur énergétique émerge comme une piste prometteuse pour réduire les émissions de carbone dans l'aviation.

Cependant, malgré ces avancées, d'autres ruptures technologiques, telles que le développement de carburants d'aviation durables, restent marginales dans les projets de décarbonation. Bien que ces carburants puissent potentiellement réduire les émissions de CO2, leur adoption à grande échelle nécessite encore des efforts de recherche et de développement pour garantir leur viabilité économique et environnementale.

Persévérance dans l'innovation

Dans un contexte de reprise post-crise sanitaire, les entreprises de la filière aéronautique et spatiale continuent de faire preuve d'innovation, poursuit l'Insee, malgré les défis immédiats auxquels elles sont confrontées. Les projets visant à améliorer la performance environnementale bénéficient notamment de l'intégration d'activités de recherche et développement (R&D) au sein des entreprises. Les données révèlent que 55 % des entreprises ayant une activité R&D ont entrepris au moins un projet environnemental, contre 29 % pour celles qui ne sont pas engagées dans la R&D.

Bien que la reprise post-crise sanitaire incite davantage à augmenter les cadences de production qu'à innover, les entreprises de la filière doivent relever d'autres défis à court terme, tels que la hausse des coûts de l'énergie, les difficultés d'approvisionnement et le manque de main-d'œuvre qualifiée. Malgré ces défis, l'effort de recherche et développement reste constant, avec une augmentation des effectifs dédiés à ces activités au même rythme que les effectifs de la filière en général en 2022.

Au total, 29 % des entreprises de la filière ont réalisé des travaux de R&D en 2022 pour leur activité aérospatiale. La grande majorité d'entre elles (92 %) mènent tout ou partie de ces travaux en interne, mobilisant ainsi 34 500 salariés à temps plein spécifiquement pour ces activités, ce qui représente 8 % des effectifs totaux de la filière. Les chefs d'entreprises anticipent même une intensification de ces travaux en 2023, avec 28 % des entreprises impliquées dans des activités de R&D dédiées à l'aérospatial envisageant d'augmenter leurs efforts dans ce domaine.

Seulement 6 % des entreprises prévoient de diminuer leurs activités de R&D, principalement celles dont le chiffre d'affaires aérospatial a diminué en 2022 ou qui anticipent une baisse de leur activité destinée au marché aérospatial.

Renforcement de la sécurité des systèmes d'information dans la filière
Dans un paysage en mutation où la transformation numérique et le développement de technologies de pointe s'intensifient, la cybersécurité devient une priorité absolue pour les entreprises de la filière aéronautique et spatiale. En 2022, une avancée significative est observée, avec 60 % des entreprises de la filière déclarant disposer d'une politique de sécurité des systèmes d'information (PSSI) formellement définie.
Cependant, malgré cette progression, le degré de protection contre les cyberattaques demeure variable d'une catégorie d'entreprise à l'autre. Les grandes entreprises se distinguent avec une quasi-totalité d'entre elles (95 %) ayant mis en place une PSSI, tandis que seulement la moitié des PME ont adopté une telle politique, même si elles interagissent souvent avec des grandes entreprises en tant que sous-traitants. Les entreprises du secteur tertiaire affichent également une sensibilisation supérieure, avec 69 % d'entre elles disposant d'une PSSI, comparativement à 55 % des entreprises industrielles. Cette différence peut être attribuée à une meilleure compréhension des outils numériques et de leurs risques, en raison de la nature des travaux menés dans le secteur tertiaire. Par ailleurs, les entreprises de la filière sont particulièrement sensibilisées au risque de cyberattaque lorsqu'elles sont impliquées dans des programmes militaires (70 % disposent alors d'une PSSI) ou lorsqu'elles opèrent sur le marché spatial (61 %), en raison de la sensibilité accrue de leurs activités.
Malgré les efforts déployés, en 2022, 2,6 % des entreprises de la filière ont déclaré avoir subi un incident de sécurité informatique majeur. Bien que ce chiffre soit dans la même fourchette que celui observé dans l'ensemble des entreprises, il souligne la nécessité continue de renforcer les mesures de sécurité pour faire face aux menaces croissantes dans le domaine de la cybersécurité.

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