C’est un observateur chevronné des finances des collectivités locales. Recruté par une ville de plus de 40 000 habitants au sortir de l’université, Vincent Derrien a ensuite rejoint Berger-Levrault pour créer 17 ans après, Adelyce. Se lançant ainsi dans l’édition de logiciels dédiés aux finances des communes, communautés d’agglomération, départements et régions. « Nous leur fournissons des outils pour les aider à gérer la masse salariale, la fiscalité locale, la dette et effectuer de la prospective financière » résume le dirigeant de cette Pme fondée en 2007.
De son expérience de scrutateur des dépenses publiques, il dégage des tendances de fond, pointant du doigt des dysfonctionnements chroniques mais rendant aussi hommage à des comportements vertueux. Globalement, les élus affichent depuis une dizaine d’années une volonté d’optimisation, mais il faut qu’ils passent à l’action. Sans craindre les réactions d’hostilité.
Les collectivités n’ont plus le choix !
Dans une démarche de réduction des coûts, l’Etat va baisser sur trois ans la dotation dévolue aux collectivités locales et ce à hauteur de 11 Mds€ ! Le régime minceur qui a commencé cette année va se faire ressentir encore plus fortement sur 2016 et 2017. Beaucoup de collectivités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour faire face à ces restrictions. La masse salariale a continué à grimper, de 4% entre 2013 et 2014. L’augmentation du taux de cotisation retraite des agents décidée par l’Etat et la revalorisation des catégories B et C ne contribuent qu’à hauteur de 30% de cette envolée.
Si les dépenses de fonctionnement et donc celles du personnel ne sont pas jugulées, l’épargne brute (constituée par la partie recettes restantes) va continuer à s’effondrer, anéantissant progressivement la capacité d’investissement. Les collectivités devront arbitrer entre recourir à l’emprunt pour financer des projets ou geler les programmes, ce qui pèse sur l’économie locale dont la filière BTP. Et activer le levier de la fiscalité locale suppose une révision des taux à la hausse, un exercice aussi compliqué qu’impopulaire.
Ne pouvant échapper au principe de réalité, les élus devront donc rationaliser le budget personnel qui représente 60 à 65% des dépenses d’une collectivité locale. « C’est leur principale marge de manœuvre et il y a de quoi faire ! » estime Vincent Derrien.
Nécessité de réformer le statut des personnels et les pratiques
Pour assurer le principe de continuité du service public, les collectivités sont obligées d’avoir une masse salariale conséquente. Elles doivent aussi pallier les vacances de postes. Le sentiment de sécurité de l’emploi est tel qu’au sein de la fonction publique le taux d’absentéisme atteint souvent des records. Sur Toulouse, on a comptabilisé une vingtaine de jours/an/personne en maladie ordinaire.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’améliorer la productivité des employés. Or la performance, le mérite ne sont pas des critères incitatifs, les pratiques d’avancement étant gravées dans le marbre. Dans le statut de la fonction publique d’Etat ou territoriale, le déroulement de carrière est figé. Tous les agents, quels que soient leur motivation et qualité du travail fourni bénéficient de promotions d’échelon. La loi donne des délais minima et maxima pour procéder aux avancements systématiques. A 95%, les collectivités locales s’empressent de les appliquer, au plus avantageux pour les personnels, passant à l’acte aussitôt franchi le seuil. La valorisation devient alors une affaire de calendrier et non de talent ou d’investissement personnel. Quant au régime indemnitaire, il prend rarement en compte la qualité de la prestation de service réalisée. Les collectivités qui ont toujours été très généreuses commencent à changer de braquet.
En fait, la rémunération d’un agent titulaire est extrêmement complexe, le salaire est ventilé sur une trentaine de lignes ! Certaines dispositions sont vraiment contreproductives comme le supplément familial de 2 euros pour un premier enfant ! Cette mesure décidée à la fin des années 60 est restée inchangée, le coût de sa gestion pour un service de paye est énorme. Autre somme jamais révisée, l’indemnité de résidence instaurée durant les seventies, laquelle varie de 0 à 3% selon la ville de résidence de l’agent. Le régime indemnitaire tient aussi du mille-feuille avec les heures supplémentaires, les forfaitaires, les primes de service, celles de rendement, les astreintes…..Et il n’y pas que ce type de bulletin de salaire. A côté de l’agent titulaire, plus d’une vingtaine de profils différents peuplent la fonction publique ce qui complique encore la gestion du personnel, les modes de calcul et la compréhension de l’évolution de la masse salariale. Dans la kyrielle de statuts, on peut citer le contractuel en CDD, le saisonnier, le chargé de mission, le vacataire, l’emploi aidé….
S’appuyer sur des outils de pilotage de la masse salariale
Dans un contexte où s’imposent les économies, les élus ont tout intérêt à suivre en temps réel l’évolution des dépenses de personnel. A cet égard, Adelyce a conçu « l’atelier salarial », une solution à disposition des collectivités locales qui leur permet de faire la prévision budgétaire, l’enregistrement des réalisations mois/mois et le bilan des exécutions au fil de l’eau, mois par mois. Plusieurs villes comme Metz, Versailles, Saint-Malo, Orthez, Pibrac…et des communautés d’agglomération tel le Sicoval, celle de Clermont-Ferrand utilisent cet outil.
Quels que soient les tableaux de bord et la méthode prisée, les élus ne peuvent plus faire abstraction de la rigueur et risquer un déficit comptable. Les années qui viennent seront périlleuses pour les collectivités locales dispendieuses. L’Etat les a mis au pied du mur en amputant les dotations allouées. La création de communes nouvelles est un moyen pour optimiser le fonctionnement. « Nous accompagnons ces nouvelles structures afin de leur faciliter l’opérationnel et la compréhension de leurs moyens ; nous expliquons les contraintes et les avantages, les aidant à sécuriser les décisions en termes de coûts/bénéfices» indique Vincent Derrien qui dans son métier côtoie de plus en plus d’élus faisant preuve de réalisme et de bons sens pour éviter d’aller droit dans le mur !
Emma Bao
Diffusé le 30 octobre 2015
Création de communes nouvelles : le bonus
Afin d’encourager la création de communes nouvelles, l’Etat s’est engagé à ne pas diminuer pendant 3 ans la dotation globale de fonctionnement versée en leur faveur. Mieux, un bonus de 5% est accordé aux collectivités qui se regroupent avant le 1er janvier 2016. De nombreuses petites et grandes communes nouvelles sont en cours de formation.
La fusion des effectifs entraînant de la redondance de postes, un dispositif est prévu pour supprimer des emplois sans trop d’impact social. Les titulaires sont donc maintenus en surnombre à leur poste mais la collectivité leur proposera tout poste vacant se présentant. Au bout d’un an, les personnels non reclassés sont mis à la disposition du Centre départemental de gestion qui leur soumettra au fur et à mesure des opportunités des emplois en relation avec leurs grades et compétences. A l’issue de cette période, sans acceptation de reclassement, l’agent public est susceptible de perdre son emploi.
Fusionner les pratiques sociales avec les nouvelles régions
Contrairement à ce qu’il s’est passé sur les intercommunalités, la fusion des pratiques sociales est anticipée, les négociations allant bon train. Il s’agit donc d’homogénéiser les régimes indemnitaires qui représentent jusqu’à 25% de la rémunération de base des personnels de la fonction territoriale.
Les finances des régions
L’année 2014 a été marquée par une baisse des recettes de fonctionnement des régions (-1,3%) en raison de la baisse des dotations de l’Etat et la baisse des impôts locaux due à celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Leurs dépenses de fonctionnement ont progressé dans une proportion moindre (+1,4%) qu’en 2013 (+2,4%).
L’épargne brute des régions déjà orientée à la baisse depuis 2011, chute de 10,4% en 2014. En dépit de ce net recul, les régions poursuivent leur effort d’investissement qu’elles financent par une hausse du recours à l’emprunt, complétée par un prélèvement sur leur trésorerie. Leur taux d’endettement (dette/recettes de fonctionnement) qui augmentait de plus de 3 points chaque année depuis 2010, progresse fortement en 2014 (+8 points) pour dépasser 97% en 2014.
A propos d’Adelyce
Cette société de 18 personnes occupe une place leader sur le segment « pilotage de la masse salariale » et « création de communes nouvelles ». L’éditeur gagne du terrain commercial sur ses autres outils dédiés à la fiscalité locale, la gestion de la dette, la prospective financière.
Les logiciels Cloud d’Adelyce, exploités en mode SaaS, sont vendus avec une offre de services intégrant la mise à disposition d’experts. Le tout pour faciliter la compréhension et la mise en route des moyens d’action. La nécessité pour les collectivités locales de rationaliser les dépenses et d’optimiser leurs budgets plaide en faveur des solutions d’Adelyce dont le chiffre d’affaires passe de 1,3 M€ en 2014 à 1,6 M€ cette année. Les efforts en termes de R&D sont maintenus, un thésard en contrat Cifre travaille sur la modélisation de la masse salariale des collectivités.
Une version des logiciels pour mobiles (tablettes, smartphones…) est aussi à l’étude.