Interview d'Arthur Païs, pdg de Mécanuméric

Ligne d'assemblage de machines pour le dentaire

Ligne d'assemblage de machines pour le dentaire


Le fabricant de machines de découpe albigeois créé le 1er novembre 1994 par Arthur Païs, vient de modifier son actionnariat et donne un coup d’accélérateur qui va lui permettre de doubler son activité d’ici 2020, en prévoyant une centaine d’embauches et la construction d’une nouvelle usine.

Le changement d’actionnaire était nécessaire ?

Depuis 2011, notre principal actionnaire, un fonds d’investissement à capitaux étrangers (Moyen Orient et en Suisse) détenait 60% du capital. Ce fonds  en n’apportant pas le cash nécessaire, a bridé la croissance annuelle de Mécanuméric depuis cinq ans au niveau moyen de 4 à 5%  contre 15% précédemment.

En désaccord avec le Fonds, j’ai réussi à les convaincre de quitter notre capital et mettant en vente leur participation majoritaire. La négociation a été longue. Nous avons même failli nous faire racheter par un fond d’investissement  Américain qui contrôle notre principal concurrent américain. Mais j’ai œuvré pour pouvoir racheter moi-même les 60% du capital. Après avoir rencontré de nombreux acteurs locaux et parisiens du Private Equity, c’est finalement la Banque populaire Occitane  et sa société de capital investissement Multicroissance que j’ai choisi pour m’accompagner dans cette reprise. Multicroissnace a pris une participation minoritaire dans le capital de la SFAP, ce qui a permis de monter une opération de LBO. Cette holding SFAP que je préside, contrôle désormais 99% du capital de Mécanuméric. A la différence de nombreux fonds qui gèrent pour le compte d’autrui, Multicroissance qui investit sur ses fonds propres, a une vision long terme et patiente, sans pratiquer d’intrusion systématique dans la gestion quotidienne de l’entreprise.

C’est un plan de croissance très ambitieux que vous mettait en œuvre ?

Mécanuméric lors de l’opération de LBO avec la SFAP, a procédé à une levée de fond de 2.8 M€ auprès d’un pool de banques et de Bpifrance pour financer son programme de R & D, le développement commercial et le BFR.

Nous prévoyons une croissance organique de 125% d’ici cinq ans. Le chiffre d’affaires passera de 19 M€ en 2015 à plus de 43 M€ en 2020. A cet horizon, une centaine de salariés supplémentaires travailleront chez Mécanuméric. L’augmentation des volumes de production nous conduit à envisager le déménagement dans une nouvelle usine à construire certainement sur la nouvelle ZA de Rieumas à Marssac, près d’Albi. Ce nouveau bâtiment d’environ 12000 m2 devrait être opérationnel en juin 2018.

Le projet mobilisera près de 15 M€  (10 M€ pour le bâtiment et environ 5 M€ pour les équipements de production). Les embauches concerneront tous les secteurs de l’entreprise avec des profils ingénieurs (25%), techniciens supérieurs (25%) et opérateurs ou employés (50%).

La filière aéronautique est un gros marché pour un fabricant de machine-outils comme  Mécanuméric ?

Si Mécanuméric n’a pas la notoriété des grands fabricants de machine-outils, nous sommes déjà très implantés dans cette filière, chez les constructeurs en direct, les équipementiers et les sous-traitants  qui doivent tous augmenter fortement leurs capacités de production à moindre coût. Nos machines de découpe sont particulièrement bien adaptées pour  les pièces en composite et carbone de grande dimension mais aussi dans le découpe du titane, et de l’aluminium en panneaux. Nos machines sont implantées tant en France qu’à l’étranger, dans les pays low cost.  Nos équipements permettent aussi bien la réalisation de pièces de structure en aluminium, composites ou titane, que des pièces servant à l’aménagement intérieur des avions ( sièges, toilettes, panneaux intérieurs, coffres à bagages, trolleys…etc ). Des grands noms comme Zodiac Aerospace, Stelia (Airbus), Daher, Figeac Aero, Latécoère, Casa, Dassault, … et plus d’une soixantaine de leurs sous-traitants… sont déjà nos clients sur leurs usines en France ou à l’étranger, mais nous avons également des constructeurs et équipementiers étrangers comme clients, en Allemagne, Italie, Russie, Israël….. Nos machines sont très performantes, moins chères, et  plus faciles à exploiter que les machines d’usinage traditionnelles pour ces applications.  L’évolution des matériaux dans la construction des avions et les fortes montées en cadence de livraison des constructeurs conduit les fournisseurs équipementiers à rapidement remettre à niveau leur parc machines. Mécanuméric est un partenaire possible dans cette nouvelle organisation.  En 2016, nous serons devenus le principal fournisseur sur le marché français des machines à découpe jet d’eau.

Quels sont les perspectives dans l’industrie ?

Mécanuméric est historiquement très présent dans le monde de la signalisation intérieure et extérieure et la fabrication de PLV avec une place de leader en Europe avec plus de 40% du marché et près de 90% en France. Après une baisse de la demande suite à la crise 2008-2009, de nombreux acteurs du secteur SIGN/PLV  réinvestissent aujourd’hui et relocalisent les productions en Europe. Nos ventes sur ce secteur ont progressé de 15% sur 2015-2016. Nous allons rénover notre offre et lancer de nouveaux produits en 2017.

 

Dans le dentaire, la demande est en plein boom ?

Le potentiel à l’échelle du monde est très important. Mécanuméric fournit à la fois les prothésistes et laboratoires dentaires  mais aussi directement les dentistes pour la fabrication de couronnes, bridges, implants…. Aux USA mais aussi en France, les dentistes s’équipent de plus en plus en numérique (prise d’empreinte, mais aussi réalisation en « chair side » de couronnes ou petits bridges). Sur 2 millions de dentistes dans le monde, au moins 700 000 franchiront à terme le pas du numérique. 4 acteurs mondiaux  sont présents sur  ce marché. Mécanuméric est de loin le plus petit mais nous offrons la meilleure qualité d’usinage et de précision (inférieure au 1/100 soit près de 6 microns). Par notre procédé, une fois l’empreinte en bouche réalisée en scanner numérique 3D par le dentiste, le patient regagne la salle d’attente pendant que le dentiste traite un autre patient, son assistante réalisant la prothèse en full céramique en moins d’une demi-heure, avec un état de surface parfait sans polissage supplémentaire. Aux USA les patients sont très demandeurs de cette réactivité (Time is Money ! disent-ils … !). Pour les prothésistes dont le nombre va rapidement diminuer de moitié dans le monde, Mécanuméric a développé une machine : Microlab en visant les petits laboratoires ayant un budget de moins de 40 k€.  La France compte environ 3500 prothésistes dont un très grand nombre pourrait disparaître faute de moyens pour investir. Un équipement numérique classique (scanner 3D, machine, four et logiciels ) coûte environ 100 k€.

Vous avait introduit les interfaces des smartphones pour ces utilisateurs ?

Nous sommes en cours d’évolution de l’interface des machines utilisées par les dentistes en les rendant plus « sexy » avec les codes qu’ils ont l’habitude d’utiliser tous les jours sur leur mobile. C’est une simple évolution pour nous car Mécanuméric est déjà depuis longtemps prêt pour la révolution numérique et le l’usine 4.0. Depuis 2007, tous les produits que nous livrons sont connectables sur internet, mis à jour et maintenus à distance. Toutes nos machines et les systèmes commandes sont conçus par notre bureau d’études, et entièrement fabriqués avec nos propres moyens de production dans notre usine à Albi.

Mécanuméric se positionne sur l’impression 3D ?

C’est indispensable car cette technologie va s’introduire largement dans les MCN. Mécanuméric participe à un projet de R & D collaboratif afin de mettre au point une technologie de fabrication additive de panneaux de ciment de grande dimension, 2x3 mètres, orientés bâtiment. Ce projet R&D d’un budget de  3 M€ sur 2016 -2019 a été retenu dans le cadre du FUI. Il est piloté par un groupe français, leader mondial dans le secteur du bâtiment avec la participation de laboratoires universitaires, un partenaire industriel pour la validation technique et Mécanuméric qui fabriquera la machine.

Au-delà de ce projet, nous prévoyons d’implanter l’impression 3D dans nos gammes pour l’industrie et l’aéronautique. Ces futures machines devraient associer l’impression 3D grande dimension et l’usinage classique sur le même équipement.

Mécanuméric va devoir renforcer l’international ?

Oui. De 30% aujourd’hui la part à l’export  devrait passer à 50% en 2020 ce qui par rapport à 2015, représente une multiplication par 4 du CA export (de 5.5 à 22 M€). Nous sommes déjà actifs avec trois filiales, un réseau de distributeurs et des agents avec des ventes principalement en Europe et en Afrique du Nord, moyen orient et Russie.  Mais pour respecter notre plan de croissance, Mécanuméric va devoir s’attaquer  aux marchés Nord-Américains, à la fois dans le secteur dentaire et aéronautique.

Pour s’implanter durablement sur ces grands territoires nous prévoyons de mobiliser près de 3M€ en frais commerciaux et juridiques inhérents aux particularités de ces marchés. Le potentiel est considérable notamment dans le dentaire. Nous restons prudents en Asie et notamment en Chine où Mécanuméric est présent grâce à nos clients européens.

 

A retenir

CA 2015 : 19 M€

Effectif septembre 2016 : 135 personnes en France + 15 à l’étranger.

Métier : Concepteur fabricant de machine de découpe (Fraisage, laser, jet d’eau, ultrasons, couteaux), gravure et thermoformage à commande numérique.

Export : 30%, filiales en Allemagne, Russie et Italie.

Article diffusé le 01/11/2016 par Jean-Luc Bénédini

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