Concepteur fabricant de lunettes, l’entreprise toulousaine Anne et Valentin a été précurseur il y a une vingtaine d’années en se positionnant sur la différenciation. Dans un univers où règnent les grandes enseignes déployées en réseaux, le lunettier régional est arrivé avec une proposition commerciale originale, en cohérence avec un code valeurs spécifique à la PME.
Toutes générations confondues, la clientèle de la marque a comme point commun « une grande ouverture d’esprit » commente Anne Valentin en évoquant le développement de la société et son ancrage à la marge, dans un « ailleurs » qui transgresse les modes et tendances du moment.
EMP : L’aventure a démarré en couple, la brutale disparition d’Alain Valentin en 2003 vous a conduit à assumer seule le management de l’entreprise sans y être préparée. Comment avez-vous fait face ?
Anne Valentin : Ce fut un passage difficile au plan personnel et professionnel. Notre activité a marqué le pas pendant deux ans puis nous avons effectué les bons investissements et sommes repartis en conquête commerciale. J’ai la chance d’être épaulée par un très bon staff directionnel aux compétences complémentaires en marketing et production.
EMP : A quoi attribuez-vous la progression significative de votre chiffre d’affaires dans un contexte économique morose ?
A.V. : L’exportation booste la croissance. D’excellents scores sont obtenus sur les USA où mon fils s’occupe de la distribution. La boutique en propre de New York située près du New Museum rencontre un vif succès, l’accueil à la « française » est très apprécié par un public très cosmopolite dans ce quartier. Nous avons aussi deux autres sites vitrines à Paris et Toulouse. Ces surfaces de vente nous servent de terrain d’expérimentation pour évaluer la pertinence de nos produits, être en phase avec les attentes et aspirations des clients. Plusieurs distributeurs (au Japon, USA, Benelux, Corée…) contribuent à la diffusion internationale de la marque. La prise en charge des lunettes par les régimes de santé favorise bien entendu l’acte d’achat.
EMP : A quel rythme renouvelez-vous la gamme ?
A.V. : Nous sortons deux collections par an, nous créons en moyenne 20 à 25 nouveaux modèles par saison. Notre bureau d’études et design fait évoluer en permanence les montures fabriquées en acétate, titane ou inox. Nous sous-traitons l’usinage à des industriels français pour l’essentiel (basés dans le Jura et l’Ain) ; nous avons aussi des fournisseurs au Japon.
EMP : Quels sont l’esprit et le style « Anne et Valentin » ?
A.V. : Nous partons de l’idée qu’il n’y a pas plus identitaire qu’une paire de lunettes. Chacun en fonction de ses goûts, de sa personnalité, de sa morphologie doit pouvoir choisir ce qui lui correspond le mieux. Aider au meilleur choix, aiguiller le client vers ce qui est judicieux…sont une des missions de nos vendeurs. Notre empreinte se retrouve dans la créativité avec une offre suscitant un maximum de coups de cœur. Nous satisfaisons des souhaits très variés qui vont au-delà du conventionnel. Ainsi, sur des petites quantités, nous introduisons des reliefs de désir, des reliefs de pensée, des orientations de rupture.
Nous avons aussi une ligne de conduite : créer dans la peau d’un utilisateur. Opticienne de métier, la directrice artistique veille à cette connexion permanente.
EMP : Votre budget en communication et marketing est-il élevé ?
A.V. : Nous n’avons pas les moyens de dépenser tous azimuts. Nous participons à tous les grands salons internationaux, finançons de la petite PLV, annonçons ponctuellement dans une ou deux revues d’optique. Nous sommes visibles sur les manifestations importantes. Actuellement, nous finalisons le nouveau site Internet, travaillons sur une approche nouvelle des réseaux sociaux.
Nos clients très fidèles à la marque sont nos meilleurs ambassadeurs.
EMP : Dans vos boutiques et siège social, l’art est omniprésent par petites touches, sans effet d’affiche ou revendication ostentatoire. Cela relève d’un engagement personnel ?
A.V. : Les artistes apportent du bonheur, de l’espoir, une interprétation du monde différente. Je considère qu’ils apportent beaucoup à la société et qu’ils méritent de la reconnaissance et de l’attention.
Encadré
Manager avec du bon sens
Anne Valentin n’aligne pas de cursus universitaire, évoquant plutôt ses affinités comme le goût pour l’agencement des boutiques, la création artistique…En tant qu’entrepreneur, elle maîtrise bien la prise de décision, se laisse guider par le bon sens, la conviction en tenant compte des différents points de vue. Cette chef d’entreprise à la forte personnalité possède une qualité qui fait sa force : elle connaît ses points faibles en termes de compétences et s’est donc entourée de la bonne équipe pour assurer la performance de la PME.
Emma BAO
Diffusé le 1-09-2013