L’histoire démarre en 2009, lors d’une visite des usines de Space-X, le fabricant américain des lanceurs Falcon. Egon Musk le créateur a récupéré un ancien hangar de l’aéroport de Los Angeles pour y fabriquer de manière totalement nouvelle le futur concurrent d’Ariane. Il y travaille à l’envers des codes du spatial. Dans la délégation, Christian BEC, dont l’entreprise BTS Industrie rejoindra en 2010 le groupe NEXEYA (spécialiste des systèmes critiques en environnement sévère) témoigne : « ils travaillaient avec leurs propres normes, mettaient les salles blanches au milieu des ateliers de chaudronnrie et de la cafétéria, quelque chose d’inimaginable dans le spatial. Et ils ont réussi. ».
Depuis, il a imaginé avec l’aval des grands du secteur, créer une filière industrielle de fabrication de nanosatellites. Ces objets minuscules pour le secteur (l’unité de mesure, le U, correspond à un litre) révolutionnent cette industrie, habituée à la fabrication sur mesure à l’unité. Mais alors que les fabricants de nano satellites, poussés par les utilisateurs universitaires (la majorité du marché aujourd’hui), jouent la carte low cost jusqu’au bout, Nexeya décide de jouer la fiabilité des produits. Quand ses concurrents peuvent ne fonctionner que quelques mois dans l’espace, lui vise 3 à 5 ans, permettant d’adresser les missions commerciales des opérateurs.
En termes de produits, Nexeya vise 4 classes : 3U (30 cm x 10 cm x 10 cm), 9U, 12U et 27U, permettant de faire voler les satellites à des altitudes de 800-900 km, contrairement là encore à leurs concurrents qui dépassent difficilement les 600 km. Avec ce positionnement en fiabilité, durée de vie et altitude, Nexeya devient intéressant pour des opérateurs non universitaires. A l’horizon 2020, ce sont 500 de ces nano-satellites qui seront lancés chaque année. Nexeya en vise 10%, sans avoir besoin d’augmenter sa capacité de production sur le site de la zone Thibaud à Toulouse.
L’entreprise devient la locomotive d’une filière régionale dont les acteurs s’appellent Erems, Comat, Steel, … ils n’achètent que 15% du satellite sur le marché international. Localement, cela génère déjà une dizaine d’emplois.
Le premier projet s’appelle Nadège, de taille 3U. Terminé en 2013, le satellite attend patiemment un candidat pour rejoindre l’espace. En 2014, Nexeya démarre le développement de son grand frère, Elise, sur les fonds FUI. Un projet de satellite de taille 12U, pour un investissement de 5.5 M€, autofinancé à plus de moitié. Dans 3 ans, il sera sur le marché.
Il y a urgence. Même si les objets ne sont pas les mêmes, un nano-satellite est 100 fois moins cher qu’un satellite traditionnel. Des opérateurs commerciaux du monde Internet s’intéressent donc à ce spatial devenu accessible. Ils s’appellent Google, Space-X etc. Et leurs projets sont à leur taille : on parle de plusieurs centaines d’objets fabriqués pour chaque client. « Il est essentiel d’être crédible avec un produit industriel fiable face à ces géants, ou alors ils confieront leur fabrication à des acteurs low cost, et seront déçus des résultats. Nous devons ramener cette filière à des standards de performance, tout en gardant l’accessibilité des coûts et des délais » conclut Christian BEC.
Rémi Alquier
Publié le 28 février 2015