Dans le négoce du sucre, de nombreux opérateurs ont disparu ou se sont regroupés pour avoir un effet de taille. Rayonnant sur une quinzaine de départements, la PME Sucres et Services parvient à maintenir ses positions en faisant évoluer l’offre produits et la qualité de la prestation.
Sur un marché très fluctuant, Bertrand Godineau, codirigeant de l’entreprise avec son épouse Olivia, a appris à naviguer à vue et à manœuvrer rapidement pour rester à flot. Ce commerçant d’origine bordelaise nous livre quelques clés de la réussite dans un métier où il faut savoir acheter et vendre au meilleur moment.
EMP : Dans un contexte très concurrentiel, comment vous démarquez-vous ?
Bertrand Godineau : Nous exerçons une activité de proximité axée sur des produits pondéreux, coûteux à transporter sur de longues distances. Outre ce facteur, nos clients apprécient notre capacité à fournir du sur-mesure, de la logistique personnalisée. Les moutons à cinq pattes, on sait faire !
La richesse de notre gamme est aussi un atout essentiel. Sur les 200 références au catalogue, nous en avons une centaine en stock livrables sous 24 H.
Nous faisons également preuve de souplesse sur les quantités conditionnées qui oscillent entre 25 kilos pour des petits faiseurs du bio et 24 tonnes !
EMP : Quels sont vos axes de diversification ?
B.G : Nous avons développé un petit atelier industriel pour fabriquer du sucre glace destiné à la pâtisserie artisanale et industrielle. Cette initiative mobilise un poste à plein temps.
Le reconditionnement de sucre fait aussi partie des vecteurs de croissance. Nous préparons des formats adaptés aux automates de distribution. Nous ensachons également du sucre bio (1 à 5 kg), un marché qui représente 5 à 10 % du volume d’affaires. Depuis 5 ans, en partenariat avec un transformateur espagnol, nous proposons aux torréfacteurs de café des bûchettes siglées, d’une taille réduite, mieux adaptée aux besoins des consommateurs. Dans les pistes à explorer, figure aussi un sucre plus fin fondant donc plus vite.
EMP : Quels sont vos clients ?
B. G. : Les industriels de l’agroalimentaire et les négociants spécialisés constituent l’essentiel du portefeuille. Outre les commandes classiques, ils n’hésitent pas à nous solliciter sur des sucrants spécifiques (saccharoses, sirops de fructose et de glucose, des sorbitols issus de blé ou maïs …).
Parmi nos donneurs d’ordres on peut citer Copyr, Dragées Pécou, Vital Ainé, Védère, Moulin du Pivert, JPS Lait, Nataïs, Benoît Serres, Nutrition et Santé…mais aussi des distributeurs tels Café Négril, Back Europ, DGF…
EMP : D’où proviennent les sucres que vous commercialisez ?
B.G. Un tiers de nos volumes sont achetés à une usine implantée en Belgique. Les sucreries de betterave basées au Nord de la France complètent nos approvisionnements. Le sucre de canne biologique est négocié auprès d’un courtier basé à Londres. Le saccharose issu de la betterave est une ressource irremplaçable, souvent plus industrialisée que le sucre de canne. Ce dernier utilise cependant une énergie provenant de la valorisation des déchets de la plante, un avantage non négligeable.
Quant aux cours mondiaux, ils sont indexés sur l’énergie : une crise pétrolière peut faire monter le prix du sucre ! Le Brésil est en première ligne, ce pays est fabricant mondial de sucre mais aussi un consommateur majeur de bioéthanol à base de canne à sucre. Selon les variations du carburant, il privilégie l’une ou l’autre ressource.
Il y a donc un intérêt stratégique à maintenir une économie européenne centrée sur la betterave, bien adaptée aux zones tempérées.
Emma Bao
Diffusé le 30 avril 2014
Encadré
A retenir
-CA 2013 : 4,4 M€
-Effectifs : 7 personnes
-Titulaire de l’ISO 22 000 sécurité et qualité des aliments
- Certifié agriculture biologique
Encadré 2
Parcours
A 24 ans, il a créé Sucre et Services en 1980 avec son épouse Olivia après un court passage professionnel dans la banque. Ce bordelais d’origine a repris une activité fondée en 1969 et qui était en fait une direction générale d’un groupe sucrier. Un sous-traitant placé en liquidation judiciaire assurait sur le site la distribution. La famille Godineau est devenue également propriétaire du foncier soit un bâtiment de 1100 m2 couverts.
Encadré 3
Un marché stable
Jusqu’en 2006, une organisation européenne avec un règlement sucrier protecteur régissait le marché. De ce fait, 30 à 50% de ce qui était produit sur l’UE était exporté. Avec l’évolution de la réglementation (nouveaux accords OMC suite à la pression des pays en voie de développement) des usines ont fermé, des concentrations ont été opérées et l’offre s’est réduite réussissant tout juste à satisfaire les besoins communautaires.
En France, on parvient à combler la demande intérieure mais des pays comme l’Espagne, la Grèce sont importateurs ; l’Italie, le Portugal ont perdu des positions. Si le stock était autrefois financé par l’Interprofession, les acteurs opèrent à présent en flux tendus.
On notera que la demande de sucre est stable en France, on en consomme moins en produit fini et davantage comme intrant dans les préparations culinaires vendues sucrées.
Actuellement les cours se sont effondrés, le stock produit s’étant peu vendu sur ce semestre.