Chaque mois, nous proposons à un chef d’entreprise adhérent du Medef de commenter le contexte politique, social, économique. Philippe Frey, délégué régional de Syntec-Ingénierie et mandataire de la fédération Syntec évoque les solutions concrètes pour attirer les talents, mais aussi retenir les collaborateurs compétents. Des pistes inspirantes à l’heure où le recrutement est en tête des préoccupations des entreprises, tous secteurs confondus.
Philippe Frey, délégué régional de Syntec-Ingénierie. © Alain Le Coz
« Les difficultés de recrutement n’épargnent aucune branche d’activité, avec des causes multiples. Le marché du travail dans la filière de l’ingénierie et du conseil est en forte tension avec des volumes d’offres d’emplois inégalés (80 000 recrutements en France), un déficit de candidats expérimentés et une compétition entre entreprises qui recherchent des profils similaires, favorisant ainsi la surenchère et la mobilité.
Promouvoir l’apprentissage
Par exemple, l’économie a besoin de 60 000 nouveaux ingénieurs diplômés par an alors que les écoles en forment 40.000. En Occitanie, sur 9 900 offres d’emplois proposées depuis un an, seulement 20 % ont été couvertes, le nombre d’offres progressant de 60 % sur la même période. Dans un contexte de pénurie de compétences, il convient de promouvoir encore plus les formations par l’apprentissage. Le CFA MidiSup de Toulouse est exemplaire en offrant aux étudiants une formation en alternance, vecteur d’insertion professionnelle pour les jeunes, avec à la clé un diplôme d’ingénieur équivalent à celui obtenu en cursus intégré dans les écoles. Cela permet notamment d’optimiser le rapport qualité de l’enseignement et besoins spécifiques des entreprises, de garantir un emploi à la sortie du parcours et d’offrir un accès aux formations diplômantes des grandes écoles à des jeunes issus des milieux défavorisés.
Les nouvelles attentes des salariés
L’exigence salariale n’est plus le seul critère discriminant. Plus de 50 % des postulants revendiquent un équilibre entre activité professionnelle et vie privée, la proximité domicile-travail, la capacité à réaliser un travail de qualité, et expriment leurs attentes en termes de flexibilité des horaires, de congés et de RTT. L’avancement professionnel et la formation continue sont portés en tête de leurs préoccupations par 43 % des candidats. Egalement, 41 % considèrent que les valeurs les plus importantes sont la RSE et l’éthique. Enfin, beaucoup expriment leur crainte d’exposition à des risques psychosociaux.
Garantir le bien-être au travail
Même si l’approche poétique du bonheur au travail, tant prôné par certains, reste une vue de l’esprit – de mon point de vue le bonheur se partage dans un cadre privé avec sa famille et ses amis - il demeure impératif de garantir les conditions du bien-être au travail, faute de quoi les candidats iront voir ailleurs. En effet il importe de remettre l’humain au cœur du projet d’entreprise et de considérer nos collaborateurs dans leur globalité, plutôt que de se limiter à répondre aux problèmes auxquels ils sont confrontés sur leur lieu de travail.
L’engagement environnemental, dès la formation
25 % de la consommation carbone moyenne d’un Français est liée au bâtiment, soit plus que l’alimentation et à peine moins que les transports. La baisse annuelle visée des émissions de gaz à effet de serre est de 7 % alors que la réduction moyenne de l’empreinte carbone des bâtiments dépasse péniblement 1 % depuis 30 ans. Voilà des challenges motivants pour les candidats sensibles aux actions que peuvent mener leurs employeurs contre le réchauffement climatique. La fronde récente des jeunes diplômés d’AgroParisTech, très impliqués dans les défis environnementaux et sociaux, est l’expression de ces enjeux.
Une politique de rémunération à diversifier
En 2022 la quasi-totalité des salariés ont vu leur salaire progresser de l’ordre de 2,5 %, une étude récente indique que les budgets prévisionnels varieront de 3 à 3,5 % en 2023. Parmi les outils proposés, les dispositifs de rémunérations variables permettent de récompenser les talents. Egalement, l’épargne salariale, l’intéressement et la participation et l’ouverture du capital aux salariés sont autant de facteurs de mobilisation et de motivation des collaborateurs. Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage…, l’entreprise dans sa fonction sociale doit ainsi sans cesse innover et anticiper les besoins futurs des collaborateurs.
Un chef d’entreprise impliqué dans la vie économique locale
Philippe Frey est le mandataire de la fédération Syntec du Sud-ouest et délégué régional de Syntec-Ingénierie. Président d’Egis BS (ingénierie, filiale sud France du groupe Egis ; 180 personnes ; 35 M€ de CA) il est également vice-président de la commission des finances de la CCI de Toulouse, juge au Tribunal de commerce, membre du comité de direction du Medef 31 et administrateur de Toulouse Business School et du CFA MidiSup. En Occitanie, la fédération Syntec regroupe 85 000 salariés au sein de 6 000 établissements pour un CA de 11 Mds €.