Une équipe internationale, à laquelle participent quatre chercheurs français notamment du CNRS et de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier , met le cap vers le Pacifique Est pour mener, du 13 avril au 3 juin prochain, au large du Costa-Rica, une campagne de forage océanique. Objectif de cette expédition : atteindre, pour la première fois, à proximité d’une dorsale à expansion ultrarapide, les niveaux de « gabbros » situés à une profondeur d'environ 2 km sous le plancher océanique. Disposer d’échantillons de ces roches magmatiques, issues d’un refroidissement plus lent que les basaltes des fonds océaniques, permettra aux scientifiques de mieux connaître la structure de la croûte et d’en tester les modèles de formation dans ce contexte spécifique de dorsale rapide. Ces échantillons éclaireront aussi le rôle de l'eau de mer dans l’évolution de la croûte océanique ainsi que la contribution de la partie inférieure de cette écorce aux anomalies magnétiques marines. Fait remarquable : le départ de cette mission coïncide avec le 50ème anniversaire du premier forage de la croûte océanique en avril 1961.
De l’importance des forages au niveau des dorsales rapides
Les géologues ont longtemps rêvé d’étudier directement les roches qui constituent le plancher des océans. Grâce aux forages océaniques) visée scientifique, initiés depuis une cinquantaine d’années, ceci est possible, même si l’objectif d’échantillonner une section complète de croûte océanique et de pénétrer jusqu’au manteau terrestre -5à 6 km de profondeur- reste à atteindre. Les scientifiques ont choisi de s’intéresser à la croûte océanique formée rapidement (c’est le cas dans l’océan Pacifique), car elle est plus uniforme et homogène que celle formée aux dorsales lentes (situées en Atlantique par exemple). Environ 20% des dorsales actuelles ont des taux d’expansion rapides (>8 cm/an). Elles ont généré quasiment la moitié de la croûte océanique actuelle, soit 30% de la surface de la Terre. Il importe de caractériser ce type de croûte en priorité pour mieux appréhender les cycles géochimiques ( comme celui du carbone) à l’échelle de la planète.
Rappelons que la croûte océanique se forme à l’axe des dorsales par refroidissement de magma issu de la fusion partielle des roches du manteau. Si le magma arrive en surface, sur le plancher océanique, il refroidit rapidement et se fige en basaltes quoi constituent en grande majorité la croûte océanique supérieure. En revanche, si le magma cristallise plus lentement en profondeur, la roche qui se forme alors est un gabbro. Ainsi, la croûte océanique est la superposition de gabbros profonds et de basaltes plus superficiels.
Aller au plus profond de la croûte océanique
Co-pilotée par Damon Teagle, professeur de l’Université de Southampton, et Benoît Ildefonse, directeur de recherche CNRS, l’expédition IODP 335 se déroulera du 13 avril au 3 juin 2011 sur le navire de forage américain, le JOIDES Resolution. Parmi les 31 scientifiques participant à cette mission, quatre sont français : Benoît Ildefonse et Marguerite Godard du laboratoire « Géosciences Montpellier » ( CNRS/Université Montpellier 2), Lydéric France du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS) et Bénédicte Abily, doctorante au laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse » (CNRS/Université Paul Sabatier/IRD).
Les scientifiques vont forer, dans le Pacifique Est, la croûte de la plaque Cocos, formée il y a 15 millions d’années, à une vitesse très rapide (>20 cm/an), supérieure à toute dorsale active actuelle. Cette campagne 2011 fait suivre à trois expéditions menées sur le même site en 2002 et 2005. En 2002, 500 mètres, pour finalement obtenir ce qui constitue à ce jour le seul échantillon d’une section complète et intacte de croûte océanique supérieure. Avec cette nouvelle expédition, les chercheurs comptent échantillonner le plus profondément possible et atteindre, pour la première fois à proximité d’une dorsale rapide, les gabbros de la croûte océanique inférieure. Les échantillons récoltés permettront aux géologues de tester les modèles de formation de ces roches, de caractériser leur mode de refroidissement et le rôle de ma circulation hydrothermale à ces profondeurs en étudiant leur altération. La formation de la croûte océanique, qui représente environ 70% de la surface de notre planète, est un processus clef dans la dynamique de notre planète. C’est à la compréhension de cette dynamique que participe ce projet de forage.
Diffusé le 19-04-2011