Conçu en partenariat avec Siemens et Rolls-Royce, l’Efan X d’Airbus comprendra des moteurs classiques et des moteurs électriques. ©Airbus.
Avec l’idée d’intégrer toujours plus d’électrique dans l’avion, de nouveaux engins apparaissent destinés à la mobilité urbaine. En parallèle, l’avion plus électrique poursuit ses avancées. Dans le domaine de la propulsion, les échéances sont plus lointaines mais quasi-certaines. Vision d’ensemble de ces avancées avec le président d’Aerospace Valley Yann Barbaux.
« Déjà 120 projets d’aéronefs électriques sont recensés actuellement dans le monde. Voler en électrique, ce n’est plus de la prospection, c’est aujourd’hui une réalité », affirme Yann Barbaux, président du pôle Aerospace Valley et précédemment directeur de l’innovation d’Airbus. Il se réfère aux engins dédiés à l’UAM, pour Urban Air Mobility, qui éclosent aux quatre coins de la planète, y compris à Toulouse, avec la start-up EVA Electric Visionary Aircrafts qui s’est installée à Francazal. L’entrepreneur Gianmarco Scalabrin annonce des premiers tests de son Adav, aéronef à atterrissage et décollage vertical, en environnement réel dès 2020.
Des solutions volantes électriques adaptées aux nouveaux usages
Le lancement de l’avion électrique classique (un avion commercial à partir de 50 passagers) passera par de nouveaux programmes mais en attendant, des solutions en modèle réduit émergent et visent les nouvelles attentes des voyageurs.
En France, les premières réflexions ont démarré en 2009, avec le programme E-Fan. Celui-ci consistait à créer un prototype d'avion à propulsion électrique conçu par Airbus Group Innovations. Un petit avion touristique de 2 à 4 personnes, tout d’abord destiné aux aéroclubs. Aujourd’hui c’est le programme E-fanX qui prend le relais : Airbus, Rolls-Royce et Siemens ont l’intention de faire voler dès 2020 un avion hybride mêlant à la fois des moteurs électriques et des moteurs à combustion. Parallèlement aux avancées sur l’avion commercial électrique, sont donc apparus depuis une dizaine d’années des solutions volantes et innovantes. Innovantes sur plusieurs points : l’intégration de l’énergie électrique d’une part, l’autonomie d’autre part, mais aussi un design original et des applications nouvelles, correspondant aux nouvelles attentes de la société. VoltAéro, développé en Aquitaine à Royan par Jean Botti (ex-directeur général délégué Technologie et Innovation chez EADS) est un 4-9 places hybride qui présentera une durée de vol d'au moins 3,5 heures. La date de livraison des premiers avions de série est envisagée pour 2021-2022. Le marché visé : les propriétaires privés, les sociétés de taxis aériens, mais aussi les vols régionaux de point à point sur des distances d’environ 400 km. Des petits avions électriques pour mieux mailler le territoire…. De quoi intéresser les compagnies aériennes.
Drones et hélicoptères électriques
Drones et hélicoptères électriques semblent aussi trouver leur place dans cette mutation des usages : la capacité de charge des drones augmente de plus en plus, jusqu’à 150 kilos ; les hélicoptères électriques tels que le City Airbus réinventent l’usage de l’hélicoptère en le réintégrant dans la ville pour des applications para-publiques : ambulances, sécurité, transports d’organe… Voilà de nouveaux engins qui répondent à des besoins identifiés, y compris celui de la congestion croissante du trafic automobile dans les métropoles… Les services de livraisons ou le transport aéroport-ville sont des options à l’étude et déjà en phase test, notamment à Singapour où le drone d’Airbus Skyways est testé, de même que l’hélicoptère CityAirbus ou encore l’allemand Volocopter qui annonce des tests dans l’année.
Plus d’électrique dans les avions, jusqu’à certaines limites
Les acteurs du secteur aéronautique n’ont pas attendu la levée de tous les verrous technologiques liés à la montée en puissance électrique des avions, ni l’annonce de nouveaux programmes pour accroître l’introduction de l’électrique dans un avion. L’avion plus électrique est en marche depuis une vingtaine d’années : « Cela a vraiment démarré avec le Boeing 787 où, pour certaines fonctions de l’appareil, les équipements pneumatiques sont remplacés par des solutions électriques et électroniques», rappelle Serge Berenger, en charge de l’innovation et de la R&T chez Latécoère, inqiduant que la puissance électrique installée est de 1,5 mégawatt. Petit à petit, l’électrique s’impose donc face à l’hydraulique et au pneumatique… Mais jusqu’à certaines limites, identifiées par Serge Berenger : « Cela demande de repenser les architectures et la segmentation des systèmes, ce qui représente un coût… et puis nous sommes limités par les contraintes de masse. » Une des missions du pôle Aerospace Valley est de fédérer les acteurs, industriels et chercheurs, le plus efficacement possible autour de cette thématique de l’aéronef plus électrique. « Si nous nous organisons correctement, nous pourrons rester dans la course, promet le président qui guette la compétition internationale. Yann Barbaux veut croire au potentiel des acteurs français et européens : « L’aéronef plus électrique est dans la feuille de route du Corac (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile) et nos laboratoires et entreprises et services publics n’hésitent pas à en faire leur priorité. » A Toulouse, à l’IRT Saint Exupéry, 80 personnes planchent à temps plein sur l’aéronef plus électrique en partenariat avec les principaux acteurs du secteur. Un projet de plateforme dédiée à l’hybridation et le tout électrique est aussi en cours de réflexion.
Quel calendrier pour l’avion à propulsion électrique hybride ?
Yann Barbaux rappelle que la condition sine qua non pour voir l’avion tout électrique sortir est de voir émerger de nouveaux programmes… La question du moment est donc : quand ? Et quand bien même les systémiers, ETI, PME et start-up du secteur auraient cette visibilité, une autre problématique restera à résoudre : celle du coût. L’avion électrique, oui, mais… s’il est plus cher ? « L’hybridation reste une solution complexe, donc plus coûteuse à maintenir, mais qui devrait atteindre plus rapidement la maturité et entrer sur le marché, et ainsi réduire les consommations de carburant et l’impact environnemental. » Il estime que l’on ne pourra envisager la sortie de l’avion commercial électrique avec propulsion hybride de 50 à 100 places qu’à partir de 2035. En attendant, les drones logistiques s’annoncent pour 2020, les avions inter-cités hybrides pour 2025 et les VTOL urbains (appareils à décollage vertical) pour 2030. L’enjeu est de rester dans la course face à la compétition internationale, notamment face à la Chine qui investit fortement dans ce domaine et qui présente historiquement un certain savoir-faire dans le domaine des batteries.
L’enjeu des batteries
Qui dit avion plus électrique dit nouveaux enjeux : nouvelle architecture, puissance électromécanique plus importante, un niveau de tension supérieur à ce qu’on a aujourd’hui… et bien sûr la question des batteries qui reste le principal sujet de développement. « La densité d’énergie, de puissance, le risque feu (management des exothermies), la disponibilité des matières premières (cobalt, lithium, terres rares), le recyclage en fin de vie sont l’ensemble des questionnements du moment », examine Yann Barbaux. Face à l’avance historique des Asiatiques dans le domaine des batteries, un des blocages technologiques les plus importants pour parvenir à faire voler un avion électrique, comment l’Europe pourra-t’-elle tenir tête ? Le rachat de Saft par Total en 2016 et le projet « d’Airbus des batteries » annoncé en décembre dernier sont des opérations significatives et pourraient faire avancer les choses dans notre vieux continent. Il y a aussi des start-up. L’enjeu serait de contourner la dépendance avec les fournisseurs asiatiques, mais aussi de ne pas dépendre uniquement des nations qui fournissent les matières premières (lithium ou cobalt).
Recherches sur la propulsion électrique. Où en est-on ?
Dans le domaine de la propulsion électrique hybride, la capacité à concevoir est bien présente en France et les travaux de recherche ont démarré. Yann Barbaux, président d’Aerospace Valley fait un état des lieux :
Batteries : A ce jour l’offre pour les capacités nécessaires à la propulsion reste majoritairement asiatique mais les européens sont en passe de proposer un plan pour revenir sur ce marché.
Génération -motorisation -conversion électronique électrique :
En France Safran dispose d’une offre pour l’ensemble d’une chaine hybride et de nombreuses start-up françaises présentent des propositions innovantes et intéressantes dans les petites puissances. On peut par exemple citer Whylot, startup lotoise sur le développement de moteurs électriques à flux radial) très performants. A l’étranger Siemens a fait voler, Rolls Royce investit dans les technologies électriques et Honeywell s’est associé à Pipistrel.
Turbine à gaz (turbo générateurs):
Safran est clairement bien positionné sur la propulsion hybride. En ce qui concerne les moteurs à pistons, des dérivés de moteurs automobiles peuvent être de bons candidats mais devront être certifiés.
Isolants, technologies des convertisseurs électroniques GaN et surtout SiC : de nombreux travaux sont engagés en France chez Safran, Thales, avec les laboratoires (dont Laplace à Toulouse), les universités et l’IRT St-Exupéry. Des start-up régionales proposent des solutions innovantes pour intégrer des composants électroniques de manière beaucoup plus compacte et efficiente (Deep Concept, 3DIS, Apsi3D).
Hélices, propulsion distribuée : Ratier Figeac et DUC (hélices en carbone, siège à Frontenas dans le Rhône) sont des acteurs de premier rang mais l’offre pour la propulsion hybride (VTOL et STOL) reste à développer.