Jean-François Tosti, co-fondateur de TAT Productions à Toulouse. (Photo : Monxy)
Entreprises Occitanie. Pouvez-vous nous parler du développement de TAT Productions depuis sa création ?
Jean-François Tosti. Fondé en 2000 par David Alaux, Eric Tosti et moi-même à Toulouse, TAT regroupe une société de production et un studio spécialisé dans l’animation 3D pour la télévision et le cinéma. Nous avons une passion d'enfance pour l'animation, ayant commencé à pratiquer dès l'âge de 12/13 ans. Bien que nos parcours scolaires aient été très éloignés du cinéma, de l'audiovisuel ou de l'animation, notre passion nous a rattrapés, et il était nécessaire de trouver un moyen d'en vivre. En tant qu'autodidactes, nous avons acquis toutes les compétences nécessaires pendant notre jeunesse et nos années d'adultes jeunes.
Ainsi, nous avons créé une société de production, développé des projets, et réalisé deux premiers courts métrages qui ont bien fonctionné. En 2006-2007, nous sommes revenus aux origines de la société en nous consacrant au développement de projets créatifs, produisant et réalisant nous-mêmes.
"Nous avons travaillé sur l'unitaire d'animation "Spike" et la série dérivée "Au pays du Père Noël". En 2011, nous avons sorti le téléfilm "Les As de la jungle : Opération banquise". En 2012, marquant un tournant, nous sommes passés de 20 à 80 salariés et avons ouvert une nouvelle société, TAT Studio, spécialisée dans l'animation 3D. Pour simplifier, TAT Productions est une société de production de films et de programmes télévisés, tandis que TAT Studio est un studio de fabrication d'animation 3D".
Grâce au succès des "As de la jungle", nous avons pu nous développer sereinement. En 2017, nous nous sommes tournés vers le cinéma avec un premier film tiré de notre série, "Les As de la jungle", qui a rencontré le succès en salle. En 2023, nous avons sorti deux films au cinéma : "Pattie et la colère de Poséidon", ainsi que Les As de la jungle 2 : opération tour du monde. Avec une activité intense, nous avons également étendu nos services en proposant des prestations pour d'autres, comme la série Astérix d'Alain Chabat pour Netflix.
Actuellement, nos activités florissantes emploient 300 salariés, et nous avons deux nouveaux films en production - "Falcon Express / Pets on a train" en 2025 et "Lovebirds" en 2026 -, ainsi qu'une nouvelle série télévisée, "Les aventures de Pil", prévue pour 2026, issue de l'univers du film Pil.
EO. Comment sont structurés concrètement TAT Productions et TAT Studio ?
J-F. T. En 2011-2012, lorsque nous avons eu l'opportunité de développer notre première série télé, "Les As de la jungle", nous avons dû choisir entre être des producteurs qui développent artistiquement un projet puis le font fabriquer par un autre studio, ou bien ouvrir notre propre studio pour garder le contrôle sur toute la fabrication, de A à Z. Nous avons opté pour la seconde option, créant ainsi nos propres studios.
Aujourd'hui, TAT Studio est une filiale à 100% de TAT Productions. TAT Productions se charge du développement artistique des projets, engageant des auteurs pour travailler sur les scénarios, recherchant des financements pour la fabrication des films. TAT Studio prend ensuite en charge toute la fabrication du film, depuis les premiers designs chez TAT Productions (dans la phase de développement conceptuel) jusqu'à la réalisation technique, la modélisation, le texturing, la fabrication des personnages, des décors, le storyboard, l'animation, l'éclairage, le rendu, le compositing, et l'assemblage final de l'image.
En ce qui concerne le son, une partie est réalisée en interne, mais nous devons également recourir à des auditoriums de bruitage. De nombreuses structures de ce type ont ouvert dans la région, à Cahors (Lot) et à Montpellier (Hérault), facilitant notre processus. Nous sommes fiers de pouvoir tout faire dans notre région, l'Occitanie, ce qui n'était pas le cas il y a six ans.
EO. Comment prenez-vous des décisions sur la scénarisation d'un projet, comme celui des "As de la jungle" par exemple ?
J-F. T. Le délai entre l'idée d'un projet et sa réalisation sur grand écran est d'environ 4 à 5 ans. Nos décisions sont fortement basées sur l'intuition et une connaissance approfondie du marché. Depuis nos débuts en 2000, nos choix correspondent aux attentes du marché, sans pour autant sacrifier nos goûts personnels. Notre intuition nous guide dans la sélection de projets susceptibles de plaire au public, en particulier aux enfants.
"Nous sommes des producteurs prenant des risques, décidant de travailler sur des projets qui nous plaisent, et les lançons sans attendre la réponse du marché, convaincus qu'ils trouveront leur place".
EO. Comment envisagez-vous l'avenir de TAT Productions et du marché de l'animation ?
J-F. T. Nous estimons que le marché de l'animation restera important, notamment pour le public enfantin. Les générations futures continueront d'être captivées par l'animation, étant le principal contenu auquel les enfants jusqu'à 8, 9, 10 ans auront accès. Il s'agit d'un public captif qui apprécie les histoires racontées à travers des personnages animés.
Cependant, l'émergence de géants dans ce secteur, maintenant que le marché a atteint sa maturité, nécessitera une attention particulière à la qualité technique et artistique. Un écrémage pourrait se produire dans les prochaines années, avec de nombreux studios entrant dans le domaine de l'animation. Bien que la concurrence soit forte, nous espérons maintenir notre position privilégiée en offrant une production de qualité, régulièrement reconnue et primée, en plus de remporter des succès publics.
EO. Est-ce que le marché du 7e art permet aux indépendants de trouver leur place ?
J-F. T. Le marché du cinéma a connu des changements significatifs, en particulier après la période du Covid. Bien que la France revienne à des niveaux de fréquentation proches de ceux d'avant la pandémie, la polarisation de la fréquentation est devenue plus prononcée. Il existe d'énormes succès et des échecs importants, avec peu d'entre deux. La place pour les films du milieu diminue, ce qui est inquiétant pour l'avenir.
Heureusement, TAT Productions a bien traversé cette période et continue de connaître des succès. Cependant, il est important de noter que le marché du cinéma est en constante évolution.
En ce qui concerne l'animation, c'est un genre qui attire encore les exploitants et les familles, offrant un contenu familial de qualité. Cependant, en raison de la popularité croissante de l'animation, de plus en plus de studios américains se sont lancés dans ce secteur.
"La concurrence est plus intense avec un grand nombre de films d'animation américains qui sortent régulièrement, rendant difficile pour les indépendants comme nous de trouver des dates de sortie opportunes. L'animation demeure un genre "refuge", et bien que les places deviennent plus chères, nous continuons de travailler sur des projets de qualité".
EO. Au vu des nombreux projets et aventures qui vous attendent, êtes-vous à la recherche de nouveaux talents ?
J-F. T. Nous anticipons des besoins de recrutement dans les prochains mois, passant de 300 à environ 350 ou 400 salariés. Nous avons fixé une limite à 400, estimant que c'est une échelle raisonnable pour maintenir un environnement humain et familial autant que possible. Nous cherchons plus que des techniciens, nous recherchons des talents d'auteurs qui apporteront des idées innovantes et des projets que nous n'avons pas encore explorés.