Avocat au barreau de Toulouse et membre de l'Académie de l'eau depuis 2017, Philippe Marc intervient en dominante sur le droit de l'eau depuis plus de 20 ans. Il évoque les contentieux engendrés par la problématique et fait le point sur l'organisation politique et territoriale.
Pour Philippe Marc, avocat au barreau de Toulouse, "on a besoin de nationaliser le problème de l'eau". (Photo : Philippe Marc)
La question de la gestion de la ressource en eau est au coeur des inquiétudes avant cet été 2023. Quel regard portez-vous sur la gouvernance de ces sujets ?
Le sujet de la gouvernance de l'eau est clairement évoqué dans le chapitre 6 du dernier rapport de la Cour des Comptes : c'est une gouvernance qui manque de lisibilité. Les comités de bassin, qui sont au nombre de 6 en France, dont celui d'Adour-Garonne, n'ont pas de statut spécifique.
Depuis la loi NOTRe, les Régions et les Départements n'ont plus la compétence, seul le niveau intercommunal est affecté de compétences particulières sur le petit cycle de l'eau. Fin 2021, le Tribunal administratif de Dijon (Côtes-d'Or) a annulé une délibération portant sur des crédits de paiement pour financer des études de maîtrise d’œuvre tendant à la définition d’un schéma directeur d’alimentation en eau potable.
"Cela pose l'organisation des sous-bassins, qui ne sont pas prévues par la loi. L'administration des cours d'eau n'est pas adaptée".
En tant qu'avocat à dominante sur le droit de l'eau, quel dossier gérez-vous au quotidien ?
Je traite environ une centaine de dossiers par an au niveau national. J'interviens en tant que conseil et dans du contentieux, pour des collectivités locales ou des entreprises et pour défendre les centrales hydroélectriques. Je travaille aussi sur la reconnaissance des droits attachés aux moulins à eau et la question des ouvrages de retenue
J'ai quelques clients grands comptes comme VNF (Voies navigables de France, ndlr) et je traite des dossiers ultra-marins en Guyane, à Mayotte, à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique, notamment sur les questions d'érosion côtière et de propriétés des barrages. J'interviens sur la compétence Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, ndlr), attribuée par l'Etat aux collectivités en 2014, car de nombreuses collectivités locales s'interrogent sur leur périmètre d'intervention et sur qui doit entretenir les canaux.
Pouvez-vous citer quelques exemples concrets de dossiers en cours ?
Je travaille avec les élus locaux sur la continuité écologique de l'Oudon, à Angers (Maine-et-Loire). Dans le Gers, je suis un syndicat mixte sur 163 actions ciblées mais qui s'interroge sur les compétences de chaque acteur... On essaye de sécuriser au maximum l'intervention de la collectivité.
"Depuis la loi Gemapi de 2014, il existe beaucoup d'interrogations. Et on observe, par exemple, que des compagnies d'assurance ne veulent plus assurer les collectivités locales titulaires de cette compétence Gemapi... En cas de catastrophe naturelle, tout le monde se défausse sur les EPCI à fiscalité propre".
L'état de la ressource en eau inquiète les pouvoirs publics et l'été 2023 s'annonce tendu. Comment jugez-vous la politique de l'eau au niveau national ?
Ces problèmes collectifs amènent une réponse collective. Il faut une vraie feuille de route sur la gestion de l'eau, avec un cadrage de l'Etat. On a besoin de nationaliser le problème de l'eau.
Le Plan Eau, annoncé fin mars 2023 par Emmanuel Macron, est-il une bonne réponse aux enjeux ?
Le Plan Eau répond à des besoins ponctuels avant la sécheresse. L'une des avancées que je vois c'est l'apparition du terme sobriété, comme pour l'énergie cet hiver. A l'avenir, il faudra disposer des mêmes outils dans l'eau, soit un Programme pluriannuel d'investissements comme la PPE pour l'énergie, car la politique de l'eau est aujourd'hui la variable d'ajustement des autres politiques.
Pour le bassin Adour-Garonne, le déficit prévisionnel est de 1,2 milliard de m3 d'eau en 2050. Nous avons besoin de nouvelles ressources en eau tandis que les conflits d'usage se multiplient. Qui doit arbitrer ? Selon moi, c'est à l'Etat de le faire.