TRANSPORT : David Rechatin engagé dans le projet TransPod

 




David Rechatin (1) est  architecte, gérant associé et fondateur de Rec Architecture en 2001. Implanté à Blagnac, Albi et Paris, ce cabinet emploie une quarantaine de salariés. C’est en rencontrant  en 2014, Sébastien Gendron qu’il décide de rejoindre l’équipe de TransPod, une startup canadienne basée à Toronto, qui s’est lancée dans la conception d’un système de transport très futuriste, Hyperloop. TransPod vient de participer au Salon InnoTrans 2016 à Berlin, le rendez-vous mondial de l’industrie ferroviaire.

Pouvez-vous présenter la genèse de ce train filant à 1200 km/h ?

C’est un mode de transport révolutionnaire avec une capsule  qui se déplace à 1200 km/h à l’intérieur d’un tube quasi sous vide. Entre 10 et trente personnes voyageront dans la capsule. L’idée avait été émise en 1914 par le professeur russe Boris Weinberg. En 2013, Elon Musk, le  fondateur de Tesla et de SpaceX a   repris  le concept en lançant un appel à idée international. Plus de 200 équipes du monde entier notamment venant de grandes écoles d’ingénieur y ont participé mais aucune française à mon grand étonnement !  Hyperloop est aujourd’hui développé par trois sociétés, deux américaines, Hyperloop One et Hyperloop Transportation Technologies et une Canadienne, TransPod qui  possède  une avance technologique sur ses deux concurrentes.

Quelles sont les principales briques technologiques du projet TransPod?

C’est une rupture technologique.  Le quasi vide à l’intérieur du tube, environ 1000 fois moins que la pression atmosphérique, grâce à des pompes disséminées  tout du long, limite les frottements et la résistance à l’air. Le peu d’air restant qui s’accumule devant la capsule à haute vitesse est ensuite aspiré à l’aide d’un compresseur  qui aspire l’air en avant de la capsule  et le rejette vers l’arrière. La propulsion est assurée par des moteurs électriques à induction linéaire. L’installation  des panneaux photovoltaïques fixés sur le tube permettra également de diminuer la facture énergétique. Un système de lévitation magnétique propre à la technologie développée par TransPod est installé sur la capsule afin de diminuer les coûts d’infrastructure et tirer avantage au maximum des faibles frottements. Les premiers tests des démonstrateurs réalisés en simulation sont très encourageants quant à la viabilité technique de notre projet.  L’équipe envisage à  terme de construire une piste d’essais afin de tester les premiers sous-systèmes d’ici fin 2017.

                                                                                      

Vous avez réussi à convaincre l’industrie du transport ?

Le défi est double. Il faut à la fois convaincre les investisseurs  pour réussir le montage financier et en même temps continuer à avancer sur la conception du système.  Le gouvernement canadien apporte déjà une contribution importante au  projet, environ une quinzaine de millions d’euros qui doivent être associés à des investissements privés. Nous avons reçu les premiers soutiens de l’industrie. La société française Mersen (2), spécialisée dans l’électronique de puissance et les nouveaux matériaux a décidé de rejoindre TransPod. D’autres sociétés sont en passe de le faire. Les acteurs de l’industrie ferroviaire mondiale regardent maintenant avec un très fort intérêt le train Hyperloop. C’est devenu un projet suffisamment réaliste pour aller vers l’industrialisation. Nous sommes contactés par des Chinois, des  Coréens mais je le regrette, peu d’investisseurs français regardent ce dossier. Le développement complet de TransPod mobilisera environ 500 millions de dollars. L’industrialisation est envisageable à l’horizon 2020-2025.

 

 

 

Comment voyez-vous le démarrage commercial du projet ?

Nous pensons qu’au départ, les systèmes Hyperloop transporteront d’abord du frêt avant des hommes. C’est ce qui s’est passé avec le train ou l’avion. Avec un pod toutes les 30 secondes, TransPod permettrait de débarrasser les routes des camions tout en accélérant les flux. Cela va révolutionner le frêt. Les sociétés de transport et de messagerie sont d’ailleurs en train de regarder ce futur moyen de transport sans chauffeur. Les premiers projets devraient démarrer en Amérique du Nord et en Asie sur des lignes d’au moins 500 km de long  sachant qu’il faut minimum 50 km pour atteindre les 1200 km/h. Pour le transport des personnes, l’accélération de la capsule sera comparable à celle d’un métro.

 

Que vient faire un cabinet d’architecture dans un  projet de train aussi innovant au plan technique ?

J’ai rejoint TransPod car c’est l’opportunité de participer à un projet atypique, une aventure  intellectuelle et technique exceptionnelle.  Rec Architecture apportera sa contribution au niveau de l’aménagement de la cabine, des infrastructures extérieures,  le tube et ses éléments de soutien, dans le concept des gares avec toutes les interfaces nécessaires. Une dizaine de personnes  chez TransPod participent à temps plein sur le projet. Sébastien Gendron, son directeur a travaillé chez Airbus, Bombardier et Safran. TransPod c’est une équipe de jeunes ingénieurs, spécialistes en électronique, en électromagnétisme, en mécanique des fluides. La plupart sont rompus aux techniques de simulation très utilisées dans l’aéronautique. La simulation a fait d’énormes progrès et s’est imposé dans tous les grands projets industriels comme l’A380.

 

La conjoncture reste difficile dans la filière bâtiment ?

Rec Architecture fait partie des principaux cabinets en architecture de la région. Nous travaillons plutôt sur des gros projets, publics ou privés, tant en France qu’à l’international. Nous venons ainsi de livrer l’aéroport de Mayotte, celui de La Rochelle, un siège social à la  Martinique, un restaurant universitaire en Guyane ou le cœur de ville central de Mondonville. Nous avons  gagné l’extension de la logistique pour les cabines de l’A350, un bâtiment de 36 000 m2. Nous participons à des concours comme celui du futur stade d’Oujda au Maroc. Tous nos collaborateurs travaillent en BIM et partagent les éléments de la maquette numérique avec nos principaux partenaires. Un des avantages c’est de régler une partie des problèmes en amont avec la  présentation au client  du projet en immersion. Rec Architecture a fondé sa réputation sur le respect des délais et du budget avec des bâtiments livrés qui sont bien la copie conforme de l’image du projet initial. Pour nous le marché s’est réveillé depuis deux ans. Nous travaillons aujourd’hui sur près d’une centaine de projets à diverses étapes. Notre chiffre d’affaires 2015 de ? a progressé de 20% /2014. En 2016, nous sommes de nouveau en croissance. Et je compte bien qu’à terme InterPod contribue à l’expansion de l’entreprise.

(1) Diplômé de l’Ecole d’architecture de Toulouse comme Olivier Bescond, associé du groupe Rec Architecture.

(2) Mersen est présent dans la région depuis le rachat de Boostec qui conçoit à Bazet près de Tarbes, les structures en carbure de silicium SiC embarquées sur les satellites d’Airbus Defense And Space.

 

 

Deux questions à Sébastien Gendron

La présence dans votre équipe, de grands constructeurs mondiaux de moyens de transports, ferroviaire ou aéronautique, n’est-t-elle pas nécessaire  pour crédibiliser votre projet ?

Oui, effectivement nous pensons à TransPod que des partenariats avec des de grands constructeurs mondiaux sont indispensables pour plusieurs raisons.La première étant, comme vous le souligner, de crédibiliser le projet, et la deuxième pour minimiser les coûts de développement sachant que beaucoup de systèmes qui équiperont le pod ont déjà été développés pour l'aéronautique. Aujourd'hui, nous travaillons déjà avec des partenaires de rang mondial, plusieurs annonces officielles devraient être faites d'ici la fin de l'année 2016.

 

Le principal défi après la validation technique sera-t-il de convaincre les populations de l’intérêt dutransport par tube ?

Oui et non. Non pour des marchés comme l'Europe qui restent compliqués sachant que le réseau existant de trains à grandes vitesses est bien implanté avec un tissu urbain assez dense. Du coup l'intérêt de développer et investir dans un nouveau système nous paraît faible étant donné la situation économique actuelle et une valeur ajouté d'un tel système pas forcément immédiate. Un système hyperloop a du sens si l'on veut diminuer le temps de transport pour maximiser les échanges économiques et/ou installer une nouvelle infrastructure inexistante à l'heure actuelle. Convaincre les populations dans ce cadre nous paraît difficile.

Oui pour des marchés comme le Canada, l'Australie et/ou le Moyen Orient ou l'infrastructure ferroviaire est quasi inexistante. Pour faire aujourd'hui le trajet entre Montréal et Toronto en train, il vous faut plus de 5h pour une distance équivalente à Paris-Bordeaux.Convaincre les populations dans ce cadre est assez facile tant le manque est criant. L'objectif côté TransPod est de convaincre le gouvernement Canadien de passer à la prochaine génération de transport à grande vitesse au delà même des trains conventionnels que l'on connaît aujourd'hui.

 

Article diffusé le 01/10/2016 par Jean Luc Bénédini

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